Contrairement aux prétentions de certains constructeurs, votre automobile ne doit pratiquement rien aux 20 monoplaces qui s'élanceront sur le circuit Gilles-Villeneuve le week-end prochain.

Soulevez le capot si vous le voulez. Démontez les roues si cela vous chante. Vous ne trouverez probablement rien, dans votre Toyota, qui ressemble aux monoplaces de Jarno Trulli et Timo Glock. Le châssis, les freins en carbone, le moteur de quelque 700 chevaux et, heureusement pour nous, la consommation de 75 litres d'essence aux 100 kilomètres, n'appartiennent qu'à la F1.

Pourtant, depuis des lustres, il est un mythe que certains constructeurs engagés dans la compétition automobile entretiennent jalousement: la course enrichit technologiquement la voiture de série. Au risque d'en décevoir plusieurs, de nos jours, il y a peu de transfert de technologie de la course vers les véhicules de série.

C'était vrai il y a une trentaine d'années, mais plus maintenant. D'abord, en course automobile, la question du coût est tellement importante que les innovations qui y sont mises au point ne voient la plupart du temps pas le jour sur les voitures de série, si ce n'est bien des années plus tard. Ensuite, la fiabilité demandée n'est pas la même. On demande aux voitures de série de rouler plus de 160 000 kilomètres alors qu'une F1, par exemple, doit tenir deux courses au maximum avec le même moteur.

S'il est vrai que la compétition automobile nous a jadis permis de rouler à bord de véhicules plus performants et, surtout, plus fiables, tous les acteurs reconnaissent aujourd'hui qu'elle ne transfère que très peu d'éléments à la voiture de série. Cette dernière en a même tout autant à lui apprendre. La boîte séquentielle, l'injection directe d'essence, le moteur diesel (dans les épreuves d'endurance), pour ne nommer que ceux-là. Toutes ces technologies existaient (et étaient commercialisées) bien avant leur arrivée sur un circuit. On dira la même chose dans deux ans lorsque Toyota s'alignera aux 24 heures du Mans avec une voiture de course animée par un groupe propulseur hybride.

Une question d'image

Même si la F1 incarne toujours dans l'esprit des amateurs le savoir-faire de la technique automobile, il reste que sa réglementation, ces derniers temps, met un frein au développement et à l'innovation technique. Par exemple, il faut savoir que la FIÀ (Fédération internationale de l'automobile) interdit cette année l'utilisation de plusieurs «aides à la conduite», comme l'antipatinage. Ce dispositif se retrouve pourtant aujourd'hui sur l'ensemble de nos véhicules.

S'il y a longtemps que la course automobile n'est plus un banc d'essai pour l'industrie automobile, car trop exclusive, trop marginale, en quoi aide-t-elle monsieur Tout-le-Monde? Outre une belle image, la compétition procure au moins un autre avantage aux constructeurs: démontrer le bien-fondé de leur technologie.

En fait, les problèmes rencontrés par les ingénieurs de la F1 en matière de métallurgie et de combustion, pour ne citer que ceux-là, sont parfois très particuliers. Ils sont également souvent fort éloignés des préoccupations quotidiennes des ingénieurs affectés à la création de nos autos. La compétition, c'est la pression permanente. Chaque semaine, toute l'équipe doit réaliser, sans véritable contrainte budgétaire, dans un délai très court et en volume très faible, des pièces plus performantes. Les concepteurs de véhicules de série doivent observer un cahier de charges beaucoup plus complexe (exigences de milliers de consommateurs, coût de revient, etc.) et disposent, eux, de quelques années pour mettre au point un véhicule destiné à être produit à plusieurs millions d'unités.

Bref, cette fin de semaine, ce ne sont pas des «produits» dérivés de ces grands constructeurs qui nous verrons à l'oeuvre sur le circuit Gilles-Villeneuve, mais plutôt une démonstration de leur savoir-faire technologique.

La Formule 1 n'est donc pour les constructeurs (BMW, Ferrari, Honda, Mercedes, Toyota, Renault) qu'une communication publicitaire destinée à renforcer leur image auprès des consommateurs actuels et futurs. On ne peut que le présumer, puisque aucun constructeur n'est en mesure d'évaluer les retombées de sa présence en Formule 1. Mais une chose est sure: si le client ne peut établir de comparaison directe entre les performances de sa voiture et celle qui roulera sur le circuit Gilles-Villeneuve, il est en droit de penser que si ce constructeur est capable de fabriquer la meilleure monoplace du plateau, il est en mesure de construire la voiture de série la plus performante et la plus fiable qui soit. Et c'est là le meilleur transfert d'idées que puissent souhaiter les constructeurs qui investissent en F1 ou dans toutes les autres disciplines mécaniques.