La recette est connue: profil ramassé à l'arrière mais plongeant à l'avant, pare-brise très incliné et, naturellement, deux portes...

Facile de dessiner un coupé? Oui, mais seulement s'il ne dérive pas trop étroitement d'une berline, comme c'est le cas ici. Une contrainte additionnelle pour un styliste, dont la création doit impérativement séduire ceux qui sont susceptibles de l'acheter. Mais tous les propriétaires doivent aussi se sentir fiers d'une telle réalisation. Bref, il faut de l'émotion. Beaucoup d'émotion pour vous faire oublier qu'un pareil véhicule ignore la plupart des contraintes fonctionnelles de l'automobile.

L'apparition du coupé Altima a été une divine surprise l'année dernière. Nissan a renoué de la plus belle des manières avec une longue tradition interrompue après le coupé 240SX. Sa ligne a fait chavirer nombre de quadragénaires et de quinquagénaires (pour des raisons autant économiques que culturelles, la clientèle des coupés n'est pas toute jeune), et rencontre depuis un succès d'estime qui réjouit ses concepteurs. Mais cette victoire à l'applaudimètre ne se traduit pas forcément par un triomphe sur le front commercial. Sa rivale, la Honda Accord coupé, en aurait long à dire à ce sujet. Nouvellement redessiné, ce coupé connaîtra une diffusion très restreinte. Comme ses ancêtres et comme tous les autres coupés d'ailleurs.

La nouvelle égérie de Honda change de genre et adopte un profil beaucoup plus masculin que la génération précédente. À un coupé bon chic bon genre succède un véhicule viril qui exhibe ses muscles et montre les crocs. Dans cette automobile aux contours aquilins, tout entier portée vers l'avant, il n'y a plus guère de sensualité mais beaucoup d'énergie. Tout le contraire de l'Altima, dont la partie plus fine masque la prépondérance des hanches. Laquelle est la plus belle? À vous de choisir, puisque l'auteur et son collègue n'arrivent pas à s'entendre. En revanche, nous reconnaissons tous les deux que la beauté du coupé est, hélas! souvent éphémère, et les exemples abondent de modèles dont le succès commercial ne s'est pas prolongé plus d'une ou deux saisons. Ces voitures se démodent vite et ne vieillissent pas toujours très bien...

Qu'à cela ne tienne, un tel retour en grâce de cette carrosserie n'aurait pas été possible si les constructeurs ne s'étaient pas dotés d'une organisation industrielle extrêmement souple, qui leur permet de produire à moindre coût des versions multiples à partir de la plateforme d'une berline. En effet, n'eût été de la très grande flexibilité des chaînes d'assemblage et du partage des composantes, nous ne serions pas là à commenter ces oeuvres des stylistes. Les deux coupés seraient assurément demeurés sur la table à dessin si leurs concepteurs n'étaient pas parvenus à les imaginer à partir d'une berline et ce sans faire exploser les budgets.

Vie à bord

Elles sont belles à regarder, sans doute, mais on revient parfois vite sur terre quand on constate à quel point les immenses portières font problème dans les espaces restreints. On passe par-dessus ce contretemps, mais on a plus de peine à oublier le côté impersonnel de l'habitacle. Comprenons-nous bien: il est réalisé avec goût et exécuté avec soin, tant chez Honda que chez Nissan, mais le mobilier est exactement le même que celui des berlines Accord et Altima. Sur le tableau de bord s'étale une série de jauges et de commandes qui fleurent hélas trop la «grande série».

Le jugement peut paraître sévère mais, considérant les efforts déployés pour affirmer le caractère de ces deux autos, on se serait attendu à un aménagement intérieur un peu plus personnel et distinctif. Cela dit, l'ergonomie du poste de conduite de la Nissan nous a davantage séduit que celui de l'Accord, dont la multitude de commandes au beau milieu de la console centrale fait désordre. En fait, il faut plusieurs kilomètres pour s'y faire et trouver le bouton qui actionne le dégivreur arrière ou celui qui commande la vitesse de la soufflerie.

Si la présentation est sensiblement la même que celle des berlines éponymes, une impression de confinement se dégage à bord de nos deux coupés. Cela s'explique sans doute en partie par la faible surface vitrée des deux véhicules ce qui, sur le plan pratique, est loin de faciliter les manoeuvres. À ce chapitre, la Nissan prête davantage flanc à la critique et force pratiquement le consommateur à opter pour la caméra de recul offerte en option. La visibilité est meilleure à bord de l'Accord. Mais attention, son diamètre de braquage plus grand ne la rend pas plus facile à garer pour autant.

Si l'accès aux places arrière est difficile, l'espace offert aux passagers, lui, n'a rien de symbolique. Au jeu des comparaisons, l'Accord l'emporte dans ce domaine. Pour offrir des places aussi accueillantes, elle tire avantage de son empattement supérieur (2740 mm comparativement à 2675 mm pour l'Altima). En revanche, dans un cas comme dans l'autre, les glaces arrière ne s'entrouvrent même pas, les rangements sont rares et on s'extrait à grand-peine de la banquette. Soit dit en passant, cette dernière s'escamote d'un trait chez Honda (pas pratique), pour augmenter le volume du coffre. La Nissan permet d'abaisser en tout ou en partie les dossiers des places arrière, ce qui s'avère un avantage sur le plan de la modularité; la faible profondeur du coffre en contrariera cependant plus d'un.

Performances routières

Au risque de déboulonner un mythe, ce qui importe à la clientèle actuelle d'un coupé n'est pas la performance, mais l'attitude sportive, l'image que l'auto donne de son propriétaire. Bref, on se procure avant tout un coupé pour le plaisir.

Voilà sans doute pourquoi la multiplication des radars et la répression accrue qui l'accompagne ne tueront pas cette carrosserie-passion; si besoin est, on pourra plutôt constater que la coexistence entre esprit civique et plaisir automobile reste possible. Si on ne conduit plus ce genre de voiture pour établir un record entre Montréal et Québec, il sera tout de même difficile pour l'acheteur de goûter avec modération aux performances de nos duellistes qui proposent, toutes deux, des V6 débordant de chevaux.

Des deux, celui de la Nissan nous est le plus familier. Solide et fiable, ce 3,5 litres coiffé d'une culasse à double arbre à came en tête (précision utile puisque le Honda n'en a qu'un) fait 270 chevaux. Une cavalerie certes impressionnante, mais qui ne donne sa pleine mesure qu'avec une essence à fort indice d'octane; sinon, il vous sera impossible de reproduire les temps enregistrés par nous à l'aide d'un accéléromètre électronique. Abreuvée de l'essence recommandée toutefois, l'Altima fait tomber les temps, mais pas sa concurrente d'un jour. En effet, le V6 Honda (moins puissant et châssis plus lourd) s'est révélé contre toute attente plus véloce en accélérations et en reprises. Il est vrai que l'écart des performances entre les deux tient dans un dé à coudre, mais il faut tout de même déclarer un vainqueur.

La performance du moteur Honda est d'autant plus méritoire qu'elle a été obtenue avec de l'essence ordinaire. Si les performances de l'Accord sont envoûtantes, la déconvenue pointe après notre calcul à la station-service: 13,6 L/100 km. C'est plus d'un litre aux 100 km de plus que l'Altima qui profite, faut-il le rappeler, d'une meilleure autonomie que sa rivale en raison de sa consommation bien sûr, mais aussi de la contenance de son réservoir. À noter que la seule économie possible avec l'Accord coupé est d'opter pour la version à boîte automatique qui, non seulement, est plus économique que la manuelle à six rapports (de série), mais aussi dotée d'un dispositif de désactivation des cylindres. Toutefois, dans le cadre d'une utilisation normale (mi-ville, mi-route), la Honda n'est pas aussi frugale que son adversaire qui bénéficie, moyennant supplément, d'une boîte à variation continue (CVT) d'une efficacité redoutable. Résumons-nous: si la hargne et la musicalité du V6 Honda enchantent, l'élasticité et la rondeur du V6 Nissan nous ont aussi séduit.

 

À ce stade-ci, il est difficile de savoir laquelle, de la Honda ou de la Nissan, franchira la première notre fil d'arrivée. Les routes qui nous empruntons permettront de les départager. Un peu. Bénéficiant d'un châssis plus sportif que la berline et d'éléments suspenseurs plus rigides, l'Altima Coupe s'avère plus agile et plus joueuse sur un parcours sinueux, en plus de se révéler plus confortable (pour un coupé sportif, s'entend). En effet, la moindre imperfection de la chaussée est ici durement ressentie. Plus légère, la direction de la Nissan manque d'acuité dans les courbes rapides ou lorsque le coefficient d'adhérence est faible.

À la différence de l'Altima, l'Accord offre un toucher de route supérieur, notamment sur voies rapides, mais le confort de roulement souffre cruellement de la présence de pneus à taille basse (série 45). Le train avant, plus finement réglé, procure à la Honda une meilleure motricité et retarde l'apparition du sous-virage. Au freinage, la Honda s'immobilise plus rapidement que la Nissan et ne craint pas de répéter l'exploit à quelques reprises sans s'essouffler.

Budget

À ce stade-ci, l'Accord occupait la position de tête de notre classement provisoire, mais l'Altima pouvait encore très bien lui ravir la première place. Ce qu'elle n'a finalement pas fait. Elle est moins coûteuse que sa rivale, mais les options sont nombreuses (et coûteuses) si on veut lui donner un niveau d'équipements comparable. Qui plus est, au moment de rédiger cette analyse, les conditions de financement de Honda étaient plus avantageuses que celles de Nissan. À vérifier avant d'apposer votre signature.

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay pour sa participation ainsi que le Quartier DIX30, qui nous a permis d'utiliser son stationnement souterrain.