Le projet du ministère des Transports d'élargir la rue Notre-Dame, à Montréal, afin d'en faire une autoroute en tranchée à huit voies, repose en partie sur la théorie selon laquelle cela permettra d'accélérer le temps de trajet via cette artère. Or, il n'en est rien, comme le démontrent des études réalisées dans d'autres grandes villes nord-américaines.

En fait, c'est plutôt le contraire: ajouter plus de voies à une autoroute entraîne presque systématiquement plus de bouchons de circulation. Et, de façon corollaire, plus de pollution automobile, ce qui dément un autre argument des initiateurs du projet. Ceux-ci estiment qu'en élargissant la rue Notre-Dame, on réduit d'autant la circulation dans les rues secondaires attenantes, et donc, la pollution et les risques d'accident.

Plus de bouchons... des études à l'appui

Évidemment, on a tendance à penser qu'en donnant plus d'espace aux véhicules, ils se déplaceront plus aisément et donc éviteront les ralentissements à l'heure de pointe. Pourtant, la première observation témoignant de l'effet opposé remonte à 1942, trois ans après que la Ville de New York eut inauguré de nombreuses nouvelles autoroutes périphériques.

Robert Moses, l'ingénieur mandaté par la Ville pour construire ces nouvelles routes, constatait alors que les problèmes de circulation avaient empiré entre 1939 et 1942. Non seulement y avait-il plus d'automobilistes sur les routes, mais ils roulaient encore moins vite.

Plus récemment, en 1989, une association gouvernementale du sud de la Californie concluait que l'ajout de nouvelles voies à une autoroute ou, carrément, la création d'une seconde autoroute parallèle n'aurait qu'un effet cosmétique négatif sur l'état de la circulation dans la région de Los Angeles.

Une étude de l'Université de Berkeley, menée entre 1973 et 1990, en témoigne: pour chaque accroissement de 10% de la capacité des autoroutes dans une ville, on constate une augmentation de 9% de la congestion automobile totale dans les quatre années qui suivent.

Des études réalisées à Montréal au cours des dernières années, pour le compte des gouvernements du Québec et du Canada, indiquent une tendance similaire. La première constate que les coûts sociaux causés par la congestion automobile à Montréal sont passés de 500 à 700 millions de dollars par année, entre 1993 et 1999. La seconde suggère que le phénomène est appelé à s'aggraver, puisque sans motif apparent, le parc automobile canadien est passé de 16,8 millions à 17,8 millions de véhicules entre 2000 et 2003.

Moins de circulation

En fait, s'il semble paradoxal de dire que plus de voies créent plus de congestion, l'inverse est plus étonnant encore: moins de voies peuvent, en réalité, contribuer à réduire le nombre de voitures sur les routes, l'heure de pointe et les bouchons de circulation.

L'effondrement d'une autoroute en banlieue de New York, en 1973, a fait craindre le pire à la direction de la ville américaine. Or, le département des Transports de l'État de New York a constaté par la suite que 93% des automobilistes qui empruntaient cette voie ont trouvé un moyen de transport alternatif, voire ont tout simplement cessé de prendre leur voiture pour aller au boulot.

Bref, en faisant subir un tel sort à la rue Notre-Dame, on ne risque pas de régler de vieux problèmes mais, au contraire, d'en créer de nouveaux. Comme le disait d'ailleurs un ingénieur californien ayant participé à une des études mentionnées ci-haut: «Essayer d'éliminer la congestion routière en ajoutant des voies, c'est comme essayer d'enrayer l'obésité en desserrant sa ceinture...»