Pourquoi ne sont-elles plus là, alors que certaines de leurs rivales d'hier se pavanent encore dans toute leur splendeur, qu'elles se nomment Bentley, Rolls-Royce ou Mercedes-Benz? J'ai ma théorie sur cette question et je vous l'exposerai un jour. Mais d'abord, place à un véritable classique nommé Packard.

Pourquoi ne sont-elles plus là, alors que certaines de leurs rivales d'hier se pavanent encore dans toute leur splendeur, qu'elles se nomment Bentley, Rolls-Royce ou Mercedes-Benz? J'ai ma théorie sur cette question et je vous l'exposerai un jour. Mais d'abord, place à un véritable classique nommé Packard.

Les frères Packard

L'histoire de l'automobile est parsemée de «frères» inventeurs, que ce soit les Duesenberg, les Dodge, les Maserati ou les Packard, dont l'aventure commence en 1899. James et William Packard, originaires de Warren, en Ohio, construisent leur première voiture qu'ils appellent - naturellement - Model A. La Ohio Automobile Company ne tarde pas à se faire remarquer par ses innovations techniques, fruits du travail de James, l'ingénieur, que ce soit le volant de direction circulaire (qui remplace l'antique gouvernail) et le premier moteur V12 américain de série.

Contrairement à Henry Ford, qui vend ses voitures 440 $, les élégantes Packard commencent à 2600 $ et la réputation d'excellence technique de la marque lui vaut une clientèle huppée, tant en Amérique qu'à l'étranger. Parmi ces clients fort impressionnés par la qualité des produits Packard se trouve un certain Henry Bourne, membre de l'une des familles les plus fortunées de Detroit. Bourne et quelques autres investisseurs s'associent aux frères Packard pour former en 1902 la Packard Motor Car Company. Toujours présidée par James Packard, la société déménage ses pénates à Detroit, dans une nouvelle usine qui sera la plus moderne de son époque et qui, durant les années 10 et 20, produira certaines des meilleures voitures de luxe du monde.

La Crise

Comme pour la plupart des producteurs d'objets de luxe, le krach boursier de 1929, qui plonge l'Amérique et tout l'Occident dans la Grande Dépression, n'augure rien de bon pour Packard. Mais le constructeur persiste et signe, en proposant dès 1932 un modèle encore plus opulent et plus coûteux, animé par un magistral V12 surnommé le Twin Six. Grâce aux bénéfices réalisés antérieurement, à la solidité de sa réputation et à sa clientèle fortunée, Packard survit aux années de crise tandis que périssent ses rivaux Peerless, Franklin, Marmon, Ruxton, Stutz, Duesenberg et Pierce-Arrow.

Refusant de céder à la mode des changements annuels, Packard parvient aussi à circonscrire ses frais de production mais décide quand même de lancer une gamme plus abordable : la One Twenty de 1935. Malgré son succès commercial, cette série dite «Junior», construite selon les méthodes modernes de la production en grande série, par opposition à la méthode traditionnelle des artisans, assène un coup de massue à l'aura de prestige de Packard. Sans compter que les «petites» Packard 120 bénéficiaient de solutions techniques plus évoluées que les «grandes».

Packard reprend le collier après la Deuxième Guerre mondiale, mais l'absence de véritables modèles de luxe l'empêche de concurrencer Cadillac, Lincoln et Chrysler. D'ailleurs, la magie de la marque n'y est plus et, en 1954, Packard fusionne avec Studebaker. Les finances boiteuses de cette dernière et une série de modèles sans éclat scellent le sort de Packard, qui disparaît définitivement en 1959.

Le joyau de la couronne

De toutes les Packard produites en plus d'un demi-siècle, les célèbres Twin Six de 1932 occupent une place de choix dans les rêves des grands collectionneurs. Animé par un splendide V12 de 7,3 litres (445 po3) de 160 chevaux, le modèle illustré est l'oeuvre du designer Ray Dietrich, un des fondateurs de Le Baron Carrossiers, ce nom à consonance française ayant été choisi par Dietrich, un francophile affirmé, pour procurer un air de raffinement à son entreprise.

Dénommée Sport Phaeton, la Packard est montée sur un châssis long à empattement de 375 cm (147,5 po). Comme celui de tous les véritables phaétons, son habitacle spacieux est divisé en deux compartiments par une paroi centrale surmontée de son propre pare-brise escamotable qui, une fois monté, permet de déployer deux vitres triangulaires latérales du plus bel effet et destinée à protéger du vent les occupants de la banquette arrière. L'avant est évidemment réservé au chauffeur et - pourquoi pas - au valet ou garde du corps.

Cette somptueuse Packard a servi dans le corps diplomatique américain en Afrique du Sud où elle est restée jusqu'en 1967, date à laquelle elle a été rapatriée aux États-Unis. Aujourd'hui restaurée, elle est la plus prisée et la plus élégante de toutes les Packard. Pas surprenant qu'elle se soit vendue plus de 1,5 million US.

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DANS LE RÉTROVISEUR DE LA PACKARD TWIN SIX SPORT PHAETON 1932

Type : phaéton décapotable quatre portes à deux pare-brise

Carrosserie : Dietrich Inc., Detroit

Empattement : 375 cm (147.5 po)

Moteur : type 906, V12 de 7,3 L (445 po3), soupapes latérales, carburateur vertical Stromberg, étrangleur automatique pour démarrage à froid, 160 ch à 3200 tr/min

Transmission : manuelle, trois vitesses synchronisées

Suspensions : essieux rigides, ressorts semi-elliptiques

Freins : aux quatre roues, à assistance à dépression réglable

Roues : 18 po, à rayons chromés

Vitesse de pointe : environ 160 km/h

Production : Sport Phaeton 1932-1933 : 12 (non confirmé), dont cinq avec châssis pour V12

Valeur (2007) : 1 650 000 $US

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LA MÊME ANNÉE (1932)

» En Inde, les Britanniques emprisonnent Mohandas Gandhi, un des principaux architectes de l'indépendance de son pays.

» L'Allemagne compte 6 millions de chômeurs, un facteur propice à l'éclosion du nazisme. Après avoir obtenu la citoyenneté allemande par naturalisation, Adolf Hitler se présente aux élections de 1932.

» Le Japon occupe Shanghai, ce qui annonce le début de la guerre sino-japonaise (1937-1945).

» Les Jeux olympiques d'hiver se tiennent à Lake Placid, New York, et les Jeux d'été à Los Angeles.

» Médaillé d'or olympique, le nageur Johnny Weissmuller incarne au cinéma Tarzan, l'homme de la jungle.

» Antonio de Oliveira Salazar devient premier ministre du Portugal. Son régime fasciste durera 36 ans.

» L'actrice Peg Entwistle se suicide en sautant de la lettre H de l'enseigne Hollywoodland (devenue Hollywood).

Pour joindre notre chroniqueur: alain.raymond@lapresse.ca