Pierre Bergé, ancien compagnon du couturier Yves Saint Laurent, homme d'affaires, mécène et militant de la lutte contre le sida, est mort des suites d'une «longue maladie» vendredi matin à 86 ans à son domicile dans le sud-est de la France.

Esthète visionnaire, il aura exercé son goût pour le pouvoir aussi bien dans la mode, les arts, que dans la presse et en politique, côté gauche.

Cofondateur et dirigeant pendant 40 ans de la maison de couture Yves Saint-Laurent, président du conseil de surveillance du groupe de presse Le Monde et fervent soutien de l'ancien président socialiste français François Mitterrand, Pierre Bergé était atteint de myopathie.

Cet âpre négociateur, qui possédait en 2016 une fortune estimée à 180 millions d'euros, savait défendre ses affaires et ses convictions. «Ce n'est pas parce qu'on est de gauche qu'on ne doit pas savoir gérer!», disait-il, tout en ajoutant: «Mais je n'aime pas collaborer avec des gens qui n'ont en tête que de faire grossir leur compte en banque ou leur capital.»

Né le 14 novembre 1930 d'une mère institutrice et d'un père fonctionnaire des finances, ce passionné de littérature, grand collectionneur d'ouvrages et d'oeuvres d'art, a été le compagnon du peintre Bernard Buffet, dont il accompagna la carrière pendant huit ans.

En 1958, il rencontre Yves Saint Laurent, avec qui il fonde la maison de couture éponyme en 1961. Leur histoire d'amour a été portée à deux reprises à l'écran en 2014.

En février 2009, Pierre Bergé avait décidé de mettre à l'encan les oeuvres d'art, livres rares et objets rassemblés patiemment avec Yves Saint Laurent. Parmi les oeuvres dispersées, des Goya, Picasso, Brancusi...

Cette «vente du siècle», qui avait rapporté 373 millions d'euros, témoignait avant tout de cinquante années de complicité et de passion commune entre les deux hommes dans la recherche du beau.

«Un homme d'exception»

Compagnon de route du parti socialiste, Pierre Bergé était aussi un passionné du débat public, qui s'était porté au secours du journal Le Monde, lorsque celui-ci avait traversé une mauvaise passe financière.

Le directeur du Monde, Jérôme Fenoglio, a souligné jeudi que le quotidien perdait «un actionnaire qui l'a sauvé de la disparition en lui consacrant une part de sa fortune sans espoir de retour, un lecteur, un défenseur du journalisme de qualité». L'homme d'affaires, connu pour son franc-parler et ses emportements, n'hésitait pas à critiquer certains articles du journal.

L'ancien ministre de la Culture Jack Lang a rendu hommage à «un ami merveilleux» et «un humaniste qui plaçait la destinée des hommes au-dessus de toutes les autres valeurs».

«Je perds un ami. La France perd un homme d'exception», a réagi la maire de Paris, Anne Hidalgo, sur Twitter.

Pierre Bergé militait aussi contre le racisme et le sida, et présidait la fondation Sidaction.

Cette fondation et sa vice-présidente, la chanteuse et actrice Line Renaud, ont salué «un infatigable combattant de la première heure» qui «a toujours défendu la liberté de s'aimer tel que l'on est, et a défendu les droits des minorités, des personnes homosexuelles, des travailleuses du sexe, des usagers de drogue et de toutes les personnes vivant avec le VIH».

Pierre Bergé s'était marié en mars 2017 avec le paysagiste américain Madison Cox, 58 ans, vice-président de la Fondation Bergé-Saint Laurent. Il disparaît quelques semaines avant l'inauguration de deux musées dédiés à l'oeuvre de son ancien compagnon Yves Saint Laurent, l'un à Paris et l'autre à Marrakech, au Maroc.

«Nous sommes remplis de souvenirs (...), que nous voulons transformer en projet», avait déclaré en juin Pierre Bergé, en fauteuil roulant, lors d'une conférence de presse de présentation de ces deux musées, destinés à exposer 40 années de création du couturier disparu en 2008.

Le premier doit ouvrir dans l'hôtel particulier parisien qui héberge la fondation le 3 octobre, suivi le 19 octobre par le second, dans un bâtiment neuf à Marrakech.