Il fut un temps où le Gala de l'Opéra de Montréal - le concert annuel au bénéfice de l'institution - durait cinq heures et réunissait plus de 30 chanteurs d'ici et de l'étranger. Depuis quelques années, on ramène l'événement à des proportions humaines. Pour le 18e Gala, hier après-midi à la Maison symphonique: trois heures, y compris un entracte de 30 minutes, et 12 chanteurs.

L'année qui s'achève marque, comme chacun sait, le bicentenaire de la naissance des deux géants du théâtre lyrique: Verdi et Wagner. L'idée était bonne de consacrer le programme entier à l'un d'eux. L'OdM a fait le choix inévitable: Verdi, un choix qui a suscité la faveur du public montréalais alors que 1600 spectateurs étaient présents.

De Verdi, on a entendu des airs et ensembles de 12 opéras, des plus connus aux moins fréquentés, et même un quatuor du Requiem. Un 13e opéra était même représenté: en fin de concert, l'auditoire fut invité à se joindre au choeur pour le célèbre «Va, pensiero» de Nabucco.

Cette année encore, l'Orchestre Métropolitain et le Choeur de l'OdM figuraient au programme. Le chef invité était cette fois Victor DeRenzi, le directeur artistique du Sarasota Opera, en Floride. Dans les pages d'Aida et d'Otello, il arracha à l'orchestre et au choeur des fortissimos que la salle contenait à peine.

La personnalité élue au Panthéon canadien de l'Art lyrique était la pianiste Denise Massé, depuis 20 ans chef de chant au Met. En quelques mots avant le concert, Mme Massé rendit hommage à ses deux principaux mentors: Mario Bernardi et Charles Dutoit. On lut des messages de félicitations à la nouvelle intronisée, signés Peter Gelb, le grand patron du Met, et Placido Domingo, et on fit entendre du Schumann chanté par Maureen Forrester, avec Mme Massé au piano.

Sept hommes et cinq femmes

Des 12 chanteurs réunis, on comptait sept hommes et cinq femmes. Malgré la participation réduite, six pays étaient là: le Canada et les États-Unis, comme toujours, mais aussi la Russie, le Japon et même la Lituanie et la Norvège.

Chaque Gala nous vaut au moins une découverte. Cette année, le choix - l'évidence même - se porte sur Jamie Barton, mezzo-soprano américaine, entendue d'abord dans le «O don fatale» de Don Carlo. Une voix puissante qui traverse la salle comme un coup de canon, mais, surtout, une voix qui reste belle et expressive jusqu'au plus aigu. La jeune chanteuse devra cependant apprendre à ne pas prononcer «Carlo» à l'anglaise.

On peut aussi parler de découverte à propos de Kristian Benedikt, ténor lituanien entendu dans trois scènes différentes d'Otello. L'homme réunit la masse physique, la voix de stentor (plus forte que belle) et l'allure fruste du général maure que la jalousie pousse à tuer son innocente épouse. Il a littéralement incarné et hurlé le personnage devant nous. Pourtant impeccable partout, le chef aurait dû suivre de plus près ses rubatos.

Troisième nom à retenir: Luc Robert, ténor local. Il chantait un petit rôle dans Macbeth en 2009. On ne s'en souvient pas. Voici un vrai ténor, avec une voix belle, juste et très ouverte et un aigu claironnant, un peu à la Pavarotti des meilleures années, qui sait phraser à l'italienne et qui, de toute évidence, aime chanter.

La meilleure prestation vint ensuite de l'Américain Valerian Ruminski, énorme voix de basse capable aussi de souplesse, entendue au Gala de 2008. Pourtant grand et mince, le Russe Grigori Soloviov projette lui aussi une imposante voix de basse.

Aline Kutan est encore à l'aise dans les fioritures mais n'a pas précisément le «genre» de Violetta. On ne reconnaît pas Étienne Dupuis la tête ainsi rasée, mais on retrouve immédiatement le vrai timbre de baryton verdien (un rien métallique à l'aigu cependant). Michele Capalbo prête une voix somptueuse au «Pace, pace, mio Dio» de La Forza del destino et lance avec force le «Maledizione!» final.

Elle surpasse aisément notre Butterfly d'il y a quelques années, Hiromi Omura, qui manque de présence et que les intervalles du grand air de Don Carlo font maintenant détonner. Divers problèmes chez Gregory Dahl et Jason Slayden, rien à signaler chez la Norvégienne Siv Oda Hagerupsen.

Le déroulement dut être modifié en plein concert à cause de «problèmes de harpe», mais personne n'indiqua clairement au public les endroits où les changements avaient été faits.

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18e GALA DE L'OPÉRA DE MONTRÉAL. Hier après-midi, Maison symphonique de Montréal, Place des Arts.