Couleurs de lune, dernier album de Lorraine Desmarais, est paru en avril 2012 sous étiquette Analekta. Le batteur Camil Bélisle et le contrebassiste Frédéric Alarie complétaient alors le trio de la pianiste, qui se passe de présentation. La même formation est en selle pour une tournée de 15 destinations québécoises qui s'amorce aujourd'hui au Théâtre Outremont.

Pourquoi donc un tel décalage entre la sortie de Couleurs de lune et la tournée qui en défend le répertoire? Pourquoi tant de lunaisons?

«Avec le jazz au Québec, explique la musicienne, les tournées s'organisent environ un an et demi ou deux ans après la sortie d'un album; il faut trouver les partenaires et le financement nécessaires. J'ai beau avoir une réputation, il faut quand même les trouver, ces dates de tournée. On a l'appui du Conseil des arts et des lettres du Québec, je suis productrice de ma tournée.»

Hormis la tournée Couleurs de lune, d'autres dates s'ajoutent déjà pour 2014 et 2015, se réjouit la pianiste. «Je suis très contente parce que les tournées de jazz au Québec et la musique instrumentale originale, ce n'est pas évident. C'est très difficile et j'estime être parmi les chanceux et les chanceuses. On parle moins du jazz qu'avant et, pourtant, il y en a plus que jamais. Tant de jeunes en mangent! On trouve plus de musiciens qu'avant et ils sont meilleurs. L'accès à l'éducation y est pour quelque chose. Les goûts évoluent, la nouvelle génération de musiciens de jazz peut tout écouter sur l'internet, c'est un vrai trésor.»

Membre de l'Ordre du Canada, prix Opus 2013, catégorie «interprète de l'année», prix JazzFest des jeunes 2013, prix Coq d'art de la Ville de Laval 2012. Concert de l'OSM en août dernier, Rhapsody in Blue pour 10 pianos et orchestre. Inutile d'ajouter que Lorraine Desmarais, honorée de tous bords tous côtés, jouit pleinement de sa profession. «J'enseigne quelques heures par semaine au cégep Saint-Laurent, mais le gros de mes énergies est concentré sur le jeu et l'écriture. Je répète quotidiennement et je compose une suite pour big band.»

Lorraine convient que son premier enregistrement pour big band, lancé en 2009, tenait plus de l'apprentissage que de l'oeuvre aboutie. Quant au prochain, il en sera autrement, selon ses dires: «Les arrangements du nouveau projet sont différents, plus matures. La première aura lieu à Québec en mars 2014.»

Voyager léger

Cela étant, Lorraine Desmarais voyage surtout léger. En solo et en trio, elle multiplie les efforts pour rayonner au-delà du territoire québécois.

«Les années 2010 et 2011, explique-t-elle, ont été consacrées à mon développement international. J'ai joué en Chine, en France, au Mexique, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Colombie-Britannique, en Alberta et dans les Maritimes. C'est d'ailleurs ainsi que j'ai écrit Couleurs de lune, sorte de carnet de voyage.»

Les pièces correspondent à un lieu, une escale. Rose pour une église de Sainte-Rose, Laval, où elle a joué et pas très loin d'où elle vit. Largo, pour le club de jazz de Québec. Week-end à Toulouse pour Toulouse. Bolero pour un boléro mexicain siroté dans la ville de Zacatecas. Tsai-Tsien! pour un souvenir de Shanghai. Prochaines destinations? Il est question d'Israël et du Jazz Standard, club de Manhattan.

Le carnet de voyage est aussi l'occasion de se percevoir soi-même.

«Je n'écoute jamais mes albums, mais j'ai dû réécouter mon dernier avant de préparer la tournée Couleurs de lune. Franchement, j'étais satisfaite, car cet album me ressemble. Très expressif, moins agressif, plus d'espace, plus de ressenti. Je n'y suis pas en train de courir après la prochaine impro! Ça respire, il y a une cohésion, il y a de la maturité, c'est honnête. Le plus important dans tout ça, c'est d'être encore très heureuse de faire ça aujourd'hui.»

À l'évidence, Lorraine Desmarais est bien lunée.

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Le trio de Lorraine Desmarais se produit ce soir, à 20h, au Théâtre Outremont.