La Symphonie dite du Nouveau Monde de Dvorak fait partie de ces oeuvres archijouées dont il semble impossible de tirer quoi que ce soit de neuf. Comme miraculeusement inspiré, Kent Nagano nous prouve le contraire avec cette lecture repensée à tous les niveaux.

J'ai rarement senti un tel mystère dans l'introduction lente menant au premier Allegro, lequel est animé d'un dramatisme inhabituel et redoublé par l'exécution de la longue reprise de 16 pages. Nagano a revu la partition dans les détails. Ainsi, ces discrets rubatos qu'il commande à la flûte-solo. Au Largo extrêmement senti, le solo (toujours attendu) de cor-anglais et les ponctuations pleines de noblesse des quatre cors planent dans le silence de la salle comble et émue. Le Scherzo se déroule vivement, scandé par les énergiques timbales annonçant en quelque sorte le retour du drame à l'Allegro final. Bref, une véritable redécouverte, cette Nouveau Monde.

S'avançant très lentement vers le Steinway, le pianiste brésilien Nelson Freire, 67 ans, joue le Concerto K. 466 de Mozart sans fausse note et sans autre initiative personnelle que le choix des rares cadences de Carl Reinecke aux premier et troisième mouvements. Brendel, Gulda, Perahia ornementent au deuxième mouvement. Freire, pas. Il risque une seule (et brève) ornementation, au finale. Il a aussi tendance à presser légèrement dans les deux Allegros.

En début de concert, la Sinfonietta de Janacek souligne la haute virtuosité de l'OSM et de ses cuivres augmentés à 14 trompettes placées sur les hauteurs. Nagano avertit l'auditoire que «cela va faire du bruit». À l'ovation que suscite le Dvorak, il répond en rappelant ses trompettes pour un arrangement de la grande marche d'Aida.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Nelson Freire, pianiste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise demain, 20 h, et dimanche, 14 h 30.

Programme:

Sinfonietta (1926) - Janacek

Concerto pour piano et orchestre no 20, en ré mineur, K. 466 (1785) - Mozart

Symphonie no 9, en mi mineur, op. 95, B. 178 (Z nového svéta) (1893) - Dvorak