Le premier prix du Concours musical international de Montréal comporte, en plus d'une bourse de 30 000$, un enregistrement chez Analekta. Cette année encore, parution et compétition coïncident: le disque réalisé avec le grand lauréat du Concours de violon de l'an dernier, le jeune Américain Benjamin Beilman, 20 ans, sort en même temps que débute la compétition de piano de cette année.

Beilman a choisi Prokofiev pour son premier disque. Avec le pianiste coréen Yekwon Sunwoo, il joue les deux Sonates pour violon et piano (que James Ehnes a enregistrées pour la même marque en 1999), soit l'op. 80, en fa mineur, et l'op. 94a, en ré majeur (transcription, comme on sait, de la Sonate pour flûte op. 94). Il complète le disque avec la Sonate pour violon seul en ré majeur, op. 115.

Le disque est une totale réussite. Bien qu'encore très jeune, Beilman joue Prokofiev avec l'aisance technique, la variété d'expression et la volupté sonore d'un violoniste de carrière, conjuguant avec une incroyable facilité la vigueur, le lyrisme, la tendresse, l'humour aussi, dont cette musique est faite. Dans le plaisir absolu que procure ce disque, il faut compter la présence d'un partenaire qui crée au piano les mêmes couleurs qu'au violon, compter aussi une prise de son immaculée, sans la moindre faiblesse.

Un tout petit bémol. Analekta annonce «Prokofiev: intégrale des sonates pour violon». Ce n'est pas tout à fait exact. Il y manque la Sonate pour deux violons, en do majeur, op. 56. On aurait pu enregistrer séparément les deux parties de violon et les soumettre ensuite au mixage. Déjà utilisée par Heifetz dans le Concerto pour deux violons de Bach il y a 60 ans, l'initiative eût produit un disque Prokofiev sans doute unique au monde. Le minutage le permettait: le présent disque fait 65 minutes et la Sonate pour deux violons en fait 15. Or, on peut, aujourd'hui, placer 80 minutes de musique sur un CD.





PROKOFIEV: BENJAMIN BEILMAN, VIOLONISTE, ET YEKWON SUNWOO, PIANISTE. ANALEKTA, AN 28 763.