Le Concours international d'orgue du Canada, qui porte le nom du pays mais se déroule à Montréal, où il a été lancé en 2008, présentait hier soir à la Basilique Notre-Dame un concert dont l'originalité avait attiré quelque 800 personnes, ce qui est considérable pour un événement centré sur un instrument aussi peu «populaire».

Au grand Casavant symphonique de 92 jeux qui domine la nef se succédaient, en quatre prestations d'environ 25 minutes chacune, quatre récents premiers prix de concours internationaux d'orgue.

Tous dans la jeune trentaine, ce sont, dans l'ordre où on les a entendus -- et vus sur l'écran géant installé dans le choeur -- le Canadien Michael Unger, lauréat à Tokyo, le Russe Konstantin Volostnov, à St. Albans, le Hongrois Balint Karosi, à Leipzig, et, fermant le défilé en honorant tout à fait le nom qu'il porte, le Français Frédéric Champion, lauréat au premier Concours de Montréal.

À noter que le bref programme de chacun comprenait une pièce d'un compositeur de son pays.

On avait donné à l'événement un titre ronflant : Rendez-vous des GRANDS. Deux précisions : a) les majuscules ne sont pas de moi; b) même en minuscules, le mot «grand» me paraît, ici, quelque peu exagéré. Quelqu'un devient-il grand dès l'instant où il remporte un premier prix de concours ?

Michael Unger attaque le premier mouvement de la cinquième Symphonie de Widor sur des jeux étrangement aériens qui conviendraient davantage à un scherzo. Il nourrit sa registration davantage par la suite et conduit le morceau à la conclusion qui s'impose.

La quatrième Étude canonique de Schumann passe inaperçue, surtout que l'Étude héroïque bien nommée de Rachel Laurin, qui la suit, est une pièce de bravoure, un peu à la Widor, avec un vertigineux trait de pédale.

Konstantin Volostnov fait bien chanter le thème de la Passacaille et Fugue de Bach (correctement identifiée Passacaglia dans le programme, comme dans le Urtext), à travers une lecture qui n'est pourtant pas irréprochable. Il se montre techniquement plus à la hauteur du virtuose Perpetuum mobile de son obscur compatriote Daniyar Dianov.

Balint Karosi propose lui aussi une pièce d'un compositeur inconnu, Istvan Koloss, dont la Metamorphosis en plusieurs sections contrastantes crée une assez bonne impression. Il se montre aussi habile compositeur dans une Toccata à la mémoire de Bela Bartok où il reprend certaines formules d'ostinato du maître hongrois.

Dommage que, du répertoire courant, il n'ait retenu que le très pâle Ave Maris Stella de Liszt.

Frédéric Champion redonne sa pleine personnalité au Casavant de Notre-Dame dans un premier Choral de Franck qui réunit, à la fois, registration respectueuse du style, sens de la structure et intériorité.

Mais sa transcription du poème symphonique Vltava de Smetana (qu'on appelle abusivement «La Moldau» en français) est bien inutile, voire décevante dans l'épisode turbulent des rapides de Saint-Jean, où l'on imagine ce que produirait la mise à contribution, par exemple, du pédalier et de ses fulgurants 16- et 32-pieds. Pourquoi s'attarder à de tels exercices quand une grande partie de l'immense répertoire d'orgue reste inexplorée ?

MICHAEL UNGER, KONSTANTIN VOLOSTNOV, BALINT KAROSI et FRÉDÉRIC CHAMPION, organistes. Hier soir, Basilique Notre-Dame. Orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale. Animation : Françoise Davoine et Kelly Rice. Radiodiffusion : Radio-Canada, 17 novembre, 20 h.