Le Festival national de musique réunissait à Montréal ce week-end 65 concurrents, des 10 provinces canadiennes, répartis en huit catégories. En 61 ans d'existence, c'était la deuxième fois seulement que la compétition avait lieu dans notre ville, la précédente tenue remontant à 1994.

Hier soir, au parterre de la salle Pierre-Mercure, un auditoire substantiel écoutait les premiers prix de chacune des catégories, cependant qu'au balcon le jury choisissait, parmi les huit lauréats, le grand gagnant de toute la compétition.

Le palmarès comprenait trois prix, de 1500 $, 1000 $ et 500 $, dans chacune des huit catégories, plus un grand prix, toutes catégories confondues, de 5000 $.

Ce grand prix de 5000 $ est allé à la clarinettiste Wai Lau, 24 ans, une diplômée de McGill qui avait aussi reçu le premier prix chez les bois. La grande fille à la robe très seyante a traversé sans le moindre problème les très brillantes Variations de Jean Françaix. Là-dessus, rien à redire.

On ne comprend tout simplement pas comment le jury de huit personnes a pu préférer la clarinettiste à d'autres concurrents qui étaient au moins ses égaux à tous points de vue, soit le pianiste Scott MacIsaac, 18 ans, de Calgary, le marimbiste Joey Roy, 24 ans, de Moncton, N.-B., et le quatuor à cordes The Red Strings, de Toronto.

J'ose le dire: le jury s'est trompé, et par trois fois. Il n'a pas tenu compte de l'immense talent révélé par le très jeune MacIsaac, non seulement dans son colossal Rachmaninov mais encore dans son sensible dialogue avec le second piano remplaçant l'orchestre et que tenait magistralement son professeur Marilyn Engle.

Par ailleurs, comment a-t-il pu rester insensible à l'étourdissante maîtrise de Joey Roy, véritable acrobate du marimba? Qu'on aime ou non cet instrument et la musique qui y fut jouée, il reste que le concurrent réalisa là un tour de force qui, comme tel, surpasse ce que la clarinettiste accomplit sur son instrument. À noter que les deux concurrents ont le même âge: 24 ans.

Enfin, et surtout, comment le jury a-t-il pu ignorer l'incroyable densité que les Red Strings apportèrent aux extraits du huitième Quatuor de Chostakovitch ? Que des musiciens aussi jeunes - trois ont 17 ans et un en a 18 - montrent non seulement une telle maîtrise de leurs instruments et du travail en quatuor, mais encore et par-dessus tout une telle identification au monde troublant de Chostakovitch, cela tient du miracle.

Mais le jury a préféré la clarinettiste... Celle-ci finira sans doute dans un orchestre, alors que le pianiste, le marimbiste et le quatuor feront carrière, j'en suis convaincu.

Peu à dire sur les autres. Vanessa Russell: une articulation nette et une vraie sonorité de violoncelle, mais une légère tendance à jouer faux. Andreas Stoltzfus: un son de trompette solide comme le roc. Monica Orso: une voix de soprano agile, un timbre un peu aigre, un aigu légèrement plafonné. Adam Ruzzo: un guitariste très doué qui avait hélas! choisi une oeuvre terriblement ennuyeuse.

La soirée s'ouvrit par le défilé des drapeaux des provinces et le Ô Canada! chanté dans les deux langues. À cet égard, le programme imprimé illustrait une fois de plus les éternels problèmes du bilinguisme canadien. On y parlait de «Prix spéciales», de «Souteneurs des prix», et on concluait: «Si, pour vous, la musique conte : s.v.p. - Donnez nous quarante.»

________________________________________________________________________________

FESTIVAL NATIONAL DE MUSIQUE. Concert des lauréats, hier soir, salle Pierre-Mercure. Présentateurs: Françoise Davoine et Kelly Rice.