Une pianiste en remplaçait une autre hier soir à Lanaudière. On passait ainsi des cheveux très noirs de la Roumaine Mihaela Ursuleasa aux cheveux très blonds de la Russe Olga Kern.

Olga Kern, 35 ans, fut appelée il y a quelques jours à remplacer Mihaela Ursuleasa, victime d'un accident. Du programme Chopin de la Roumaine, il n'est absolument rien resté. Mais le programme proposé par la Russe était parfaitement satisfaisant - je parle du programme, pas nécessairement de ce que la remplaçante en a fait.

On ne sait pas grand-chose d'Olga Kern, sauf qu'elle remporta en 2001 le premier prix au Concours Van Cliburn - premier prix ex aequo avec un compatriote, précision que Lanaudière ne faisait pas.

Se rappelant que 2010 marque non seulement le bicentenaire de Chopin mais aussi celui de Schumann, la pianiste consacre à celui-ci la première moitié de son récital - en fait à M. et Mme Schumann puisqu'elle commence par les sept Variations que Clara composa sur un thème tiré des Bunte Blätter de son mari.

Difficile au plan technique, l'oeuvre contient de belles idées musicales et Olga Kern s'y révèle immédiatement très bonne pianiste et très bonne musicienne.

Ce qui suit est un peu moins heureux, mais la pianiste n'est pas seule en cause. La réverbération est prononcée dans l'église de Lavaltrie à moitié remplie et le piano sonne par moments un peu faux. Le célèbre Carnaval souffre de ces conditions. Du reste, la pianiste apporte peu d'imagination aux différentes pièces, dont le feuillet préparé en hâte ne donne pas la liste. Je note cependant qu'elle inclut l'énigmatique pièce intitulée Sphinx, habituellement omise. Sa réalisation se ramène à quelques lourds accords longuement tenus.

D'abord en robe noire, Olga Kern revient en robe rouge après l'entracte. De Chopin, elle reprend la Sonate op. 35 qu'avait malmenée une certaine Edna Stern la semaine dernière dans une autre église de Lanaudière. Abstraction faite de quelques rallentandos inutiles ajoutés aux reprises, l'ensemble se tient et une certaine pensée traverse la Marche funèbre.

Mais nous ne sommes pas encore au paradis des vrais grands pianistes. Olga Kern n'a pas cette profondeur. Son exécution à la fois spectaculaire et attachante de la fameuse deuxième Rhapsodie hongroise de Liszt, assortie d'une folle cadence de Rachmaninov, permet de voir en elle une très bonne virtuose dans le goût populaire.

Je ne cacherai pas que je prends moi-même un certain plaisir à ce genre de divertissement. Applaudie et rappelée plusieurs fois, la souriante pianiste parle aux spectateurs et ajoute trois pièces: le Moment musical no 4 de Rachmaninov, Spinning Wheel du très obscur Charles Lisberg et Étincelles de Moszkowski, l'un des rappels préférés de Horowitz.

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OLGA KERN, pianiste. Hier soir, Église de Lavaltrie. Dans le cadre du 33e Festival de Lanaudière.

Programme:

Variations sur un thème de Robert Schumann, op. 20 (1853) - Clara Schumann

Carnaval, op. 9 (1834-35) - Schumann

Sonate no 2, en si bémol mineur, op. 35 (1837-39) - Chopin

Rhapsodie hongroise no 2, en do dièse mineur, S. 244 no 2 (1847) - Liszt