Présentement en tournée en Amérique, le grand orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, son célèbre chef Valery Gergiev et leur soliste Denis Matsuev avaient attiré une salle comble à Wilfrid-Pelletier dimanche soir.

La colonie russe était largement représentée et, comme il se doit, le programme était presque entièrement russe. Il puisait aux deux disques que l'orchestre et son chef viennent de réaliser sous l'étiquette du Mariinsky et que j'ai commentés samedi dernier: troisième Concerto pour piano de Rachmaninov, avec Matsuev comme soliste, et quinzième Symphonie de Chostakovitch.

L'orchestre comptait 92 musiciens pour le concert de Montréal. Il semblait un peu plus petit parce que les musiciens sont très rapprochés les uns des autres, formant une sorte de bloc compact au centre de la scène. La sonorité collective gagne ainsi en densité, qualité qu'assurent déjà les coups d'archet unifiés. Bois, cuivres et percussions sont, comme les cordes, ceux d'un orchestre de haut niveau.

Dirigeant tout sans baguette mais tout avec la partition, Gergiev se meut avec la plus grande aisance au sein de cet orchestre qui est le sien depuis plus de 20 ans, quittant son pupitre pour s'avancer parmi ses musiciens comme s'il allait leur parler, étendant les deux bras comme s'il allait s'envoler au-dessus de leurs têtes.

En début de programme, le chef de 57 ans transforme en poème symphonique virtuose et descriptif cette page des Troyens de Berlioz qu'on joue parfois isolément sous le titre Chasse royale et Orage.

Vient ensuite le soliste tant attendu: Denis Matsuev, un colosse de 35 ans qui traverse le troisième Concerto de Rachmaninov en 43 minutes avec la même extraordinaire fusion de clarté et de vélocité que sur son disque. Cette fois, cependant, il réduit le rubato et Gergiev évite la sentimentalité. Par ailleurs, et tout comme au disque, la cadence choisie au premier mouvement est la plus difficile et on note encore une coupure de 13 mesures au finale.

Ovationné par une salle en délire, le pianiste accorde un rappel: une fantaisie excessivement difficile et presque comique sur l'air de Figaro d'Il Barbiere di Siviglia de Rossini signée Grigory Ginzburg, légendaire virtuose russe. (Cette précision me vient de M. Matsuev lui-même, qui cependant n'a pas voulu me dire pourquoi il coupait 13 mesures dans le concerto...)

La quinzième et dernière Symphonie de Chostakovitch occupe l'après-entracte de ses 47 minutes. Curieux rappels de l'Ouverture de Guillaume Tell de Rossini (encore!), échos de Wagner aussi, étrange mécanique des petites percussions, puissantes dissonances et sombres adagios: Gergiev mêle tous ces éléments disparates avec un art presque convaincant.

Là encore, le silence dans la salle est total et l'ovation, sans fin.______________________________________________________________________________________________________

ORCHESTRE DU THÉÂTRE MARIINSKY. Chef d'orchestre: Valery Gergiev. Soliste : Denis Matsuev. Dimanche soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.



Programme:

Chasse royale et Orage, ext. de l'opéra Les Troyens (1856-58) - Berlioz

Concerto pour piano et orchestre no 3, en ré mineur, op. 30 (1909) - Rachmaninov

Symphonie no 15, en la majeur, op. 141 (1971-72) - Chostakovitch