Nareh Arghamanyan, premier prix au Concours international de piano de Montréal l'an dernier, avait attiré quelque 200 auditeurs mardi soir à l'église de Saint-Sulpice où elle était présentée par le Festival de Lanaudière.

La première impression, à l'écoute de la délicate pianiste arménienne de 20 ans, en est une d'étonnement. On se demande comment deux bras aussi menus parviennent à produire un son d'une telle puissance, un son que bien des hercules du clavier pourraient lui envier. En fait, c'est presque un miracle que le Yamaha n'ait pas perdu son accord après le tonitruant fa que la virtuose fit exploser au plus grave du piano à la toute fin d'Estrella, 13e pièce du Carnaval de Schumann.

Technicienne à tout casser, Nareh Arghamanyan est aussi une musicienne et une interprète. Elle l'a démontré dans la deuxième Sonate de Rachmaninov, qu'elle avait gardée pour la fin et à laquelle elle est désormais identifiée: elle l'avait jouée en demi-finale au Concours et en signa ensuite, à titre de premier prix, un très bel enregistrement (chez Analekta).

Choisissant la révision de 1931, un peu plus courte que l'original de 1913, la pianiste oppose, à la fulgurante puissance pianistique des deux allegros extrêmes, l'immense rêverie du mouvement lent central.

La première moitié du récital fut un peu plus inégale. Les Variations sérieuses de Mendelssohn la trouvèrent nerveuse, pressant le tempo, frappant quelques fausses notes et négligeant l'aspect poétique de ce qui reste la plus belle oeuvre pour piano du compositeur.

Sa conception du Carnaval de Schumann est discutable mais intéressante, remplie à la fois de la plus folle fantaisie et de la plus grande tendresse.

La transcription, par le pianiste russe Mikhaïl Pletnev, de sept extraits du ballet Casse-noisette de Tchaïkovsky est habile, très difficile à jouer - et fut effectivement très bien jouée - , mais n'apporte pas grand-chose au répertoire.

Saluant après son Rachmaninov final, la pianiste se lança immédiatement dans un rappel: l'arrangement, par Bach, du mouvement lent d'un concerto pour hautbois d'Alessandro Marcello.

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NAREH ARGHAMANYAN, pianiste. Mardi soir, église de Saint-Sulpice, dans le cadre du 32e Festival de Lanaudière.

Programme:

> Variations sérieuses, op. 54 (1841) Mendelssohn

> Carnaval, op. 9 (1834-35) Schumann

> Suite pour piano d'après Casse-noisette de Tchaïkovsky Pletnev

> Sonate no 2, en si bémol mineur, op. 36 (1913, rév. 1931) Rachmaninov