L'impression est la même qu'en 1996 lorsque l'Opéra de Montréal monta Les Pêcheurs de perles pour la première fois : l'ouvrage de Bizet - second en popularité après Carmen - est abordé tel qu'il est, avec son scénario sentimental, sa musique agréable, son cadre kitsch et ses situations dramatiques qui font parfois sourire, par exemple lorsque la prêtresse voilée Léïla, qui a pourtant fait voeu de chasteté, est surprise dans les bras de Nadir et que les deux «coupables» sont jetés dans de grandes cages qu'on traîne vers l'arrière-scène où ils seront punis.

Pas une grande oeuvre, Les Pêcheurs de perles. Et pourtant, on ne s'y ennuie pas. Parce que tous jouent le jeu à fond. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a là beaucoup d'action et beaucoup de couleur. Le plateau bouge constamment, coups de feu, éclairs et tonnerre secouent la salle à maintes reprises, les divertissements dansés sont très ingénieux, comme le sont les éclairages, les mouvements de foule sont très vivants et le genre kitsch est poussé à l'extrême : amusante imitation des arbres, des flots et des flammes, costumes de toutes les couleurs, apparition assez incroyable de Léïla sur fond rose nananne et plateforme portée par six figurants. Une petite déception, quand même : le rocher du haut duquel Léïla est censée protéger les pêcheurs n'y est pas. Dans le noir, on distingue la prêtresse simplement debout sur scène.La production de l'OdM réunit des talents de quelques pays étrangers dont la première présence ici est certes stimulante : le metteur en scène australien Andrew Sinclair, la décoratrice et costumière britannique Zandra Rhodes, les Américains Ron Vodicka pour les éclairages et John Malashock pour les danses, et le chef français Frédéric Chaslin au pupitre d'un Métropolitain en belle forme.

Au centre de cette fébrile activité, qui nous en met plein les yeux et les oreilles, évolue le trio central : Léïla et les deux amis Nadir et Zurga qui en sont amoureux. Seul Nadir est aimé d'elle. Mais Zurga, qui un jour eut la vie sauve grâce à Léïla, lui permettra de fuir avec son ami.

Karina Gauvin quitte ici le baroque pour laisser flotter sa voix bien nourrie sur les tendres mélodies de Bizet; en même temps, sa technique de musique ancienne sert la virtuosité requise du rôle de Léïla. Actrice, Karina Gauvin fait bien sentir la différence de ses sentiments à l'endroit des deux hommes.

Même conviction dans l'attitude de chacun face à la prêtresse. Si Phillip Addis manque un peu d'autorité en Zurga, le chef des pêcheurs, sa passion pour Léïla ne fait aucun doute. Son baryton a acquis une belle largeur et son français est d'une étonnante clarté. Le ténor léger Antonio Figueroa force un peu à l'aigu dans la salle trop grande mais sa prestation reste très satisfaisante. Alexandre Sylvestre en Nourabad tire le maximum d'un petit rôle.

________________________________________________________________________________________

«Les Pêcheurs de perles», opéra en trois actes (quatre tableaux), livret d'Eugène Cormon et Michel Carré, musique de Georges Bizet (1863). Production : Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Première samedi soir. Autres représentations : 5, 8, 10 et 13 novembre, 20 h. Avec surtitres français et anglais.

Distribution : Léïla, prêtresse de Brahma : Karina Gauvin, soprano, Nadir, pêcheur de perles : Antonio Figueroa, ténor, Zurga, chef des pêcheurs : Phillip Addis, baryton, Nourabad, grand-prêtre de Brahma : Alexandre Sylvestre, basse.

Mise en scène : Andrew Sinclair. Décors et costumes : Zandra Rhodes. Chorégraphie : John Malasshock. Éclairages : Ron Vodicka. Choeur de l'Opéra de Montréal (dir. Claude Webster) et Orchestre Métropolitain du Grand Montréal. Direction musicale : Frédéric Chaslin.