Qui a dit que le rock était mort ? Pas Rémi Chassé en tout cas. Finaliste de La voix en 2014 pour l'équipe de Louis-Jean Cormier, le chanteur de 32 ans a sorti cette semaine son deuxième disque solo, Les cris et les fleurs, dans lequel il assume totalement ses influences.

« Je ne comprends pas les gens qui disent de ranger nos guitares parce que ce n'est plus ça qui pogne, que maintenant c'est que la pop, l'électro, le hip-hop. Il y a encore plein de monde qui apprend la musique avec une guitare, ce n'est pas vrai que le futur n'appartient qu'aux pianistes... Le rock ne peut pas mourir. »

Lui qui a fondé son premier groupe à 11 ans est devenu rockeur par la force des choses - même s'il n'aime pas les étiquettes. « Il y a une partie de mon écriture qui est clairement pop, mais j'ai appris à faire des tounes avec une guitare, des amplis, un drum. J'ai grandi dans le punk rock. Jouer dans un contexte comme ça fait en sorte que je chante fort. Ça va de soi. »

Pousser sa voix, c'est en effet un peu sa marque de commerce.

« Quand tu vas voir un show de Rémi Chassé, c'est de l'énergie et du power. »

- Rémi Chassé

Sur disque aussi. On peut le constater en écoutant Les cris et les fleurs, alors qu'il chante plus de la moitié des 10 chansons carrément dans le tapis. « Mais il ne peut se passer rien de puissant si le propos ne l'appuie pas », signale-t-il.

Si le disque est sombre par moments, il est aussi très sensuel, et Rémi Chassé y aborde des thèmes propres au rock comme les paradis artificiels, la vie de tournée, les nuits blanches et les amours éphémères. « C'est un peu ça, la vie, quand le rock nous occupe », dit-il, en admettant qu'il n'est pas un enfant de choeur.

« Dire le contraire serait un mensonge. Mais je ne suis pas totalement un trou de cul non plus ! Oui, il y a de l'invitation, de la séduction, mais j'ai l'impression que c'est fait avec un certain raffinement. Même si c'est souvent crié ! Il n'y a rien de vulgaire, rien qui dit que c'est sans respect non plus. »

SIGNATURE

Avec Les cris et les fleurs, Rémi Chassé estime avoir poussé un peu plus loin la démarche de son premier disque, avec une signature « plus assumée, concrète et précise », analyse-t-il.

« Même si je ne l'admettais pas, j'ai écrit mon premier disque un peu dans l'urgence, pour profiter du momentum après La voix. Dès que j'ai eu 10 tounes, je l'ai sorti. »

- Rémi Chassé

Cette fois, il a pris davantage son temps. Tout en menant sa barque à son goût : Rémi Chassé n'a jamais voulu être considéré comme un interprète seulement ; il écrit toutes ses chansons et choisit lui-même son équipe - ce que lui permet son contrat avec Musicor, avec qui il est sous licence.

« Ce disque, c'est entièrement moi. Pas parce que je suis têtu ou parce que je suis fermé aux suggestions, mais c'est comme ça. Le contraire n'était même pas envisageable. »

C'est ainsi qu'il a choisi de travailler avec le réalisateur montréalais installé à New York Gus Van Go, parce qu'il avait aimé son boulot autant avec Les Vulgaires Machins - « Compter les corps est un grand disque des années 2000 » - qu'avec Les Trois Accords.

« J'ai longtemps cherché mon réalisateur. Je ne voulais pas nécessairement que ça se passe à New York en dollars américains, mais bon, c'est ce qui s'est passé... Quand j'ai envoyé mes maquettes à Gus et que j'ai vu qu'il tripait, j'ai su qu'on avait un match. »

Le disque s'est donc fait entre New York, Montréal et... Scott-Jonction. « On a fait une semaine de préprod en Beauce. C'était drôle, les gars de Brooklyn qui habitaient chez nous ! »

PRENDRE SA PLACE

Rémi Chassé a écrit presque toutes ses musiques avec le guitariste Hubert Maheux. « Son vocabulaire de musique est plus grand que le mien, il m'aide à briser mes patterns, explique-t-il à propos de son ami d'enfance, avec qui il a fondé son groupe en première secondaire. On est super complémentaires. »

Que serait-il sans Hubert Maheux ? « Moi sans lui, c'est long. J'imagine, en tout cas, parce que je n'ai jamais essayé autre chose ! »

Mais comme Hubert n'est pas un gars de paroles, Rémi Chassé a fait appel à la chanteuse Gaëlle pour lui donner un coup de main pour les textes. « J'avais besoin d'un second regard qui me rassure. Elle n'a pas fait de grosses modifs, seulement de petits détails qui font que je m'améliore. »

C'est qu'après avoir chanté en anglais pendant des années avec son groupe Tailor Made Fable, Rémi Chassé a fait le choix du rock en français.

« J'en avais assez des opérations de séduction aux États-Unis, des showcases à Austin, d'essayer de toucher au rêve... »

- Rémi Chassé

Surtout, il estime qu'entre Éric Lapointe, Michel Pagliaro et Galaxie, l'éventail du rock francophone n'est pas très garni. Il croit donc avoir une place à prendre.

« Je vois ça comme un défi. Il n'y a pas beaucoup de bon rock entendu au Québec - il y en a qui se fait, mais il est plus underground. Je voulais me prouver que c'était possible que le rock soit grand public, que ça joue à la radio. C'est pour ça que ça m'anime, d'écrire en français. Oui, c'est plus dur. Mais quand on y arrive, on est doublement satisfait. »

Le disque en trois chansons

LES CRIS ET LES FLEURS

« Ça parle des hauts et des bas de la vie de tournée. On sait qu'on vit du rêve, qu'on est juste là pour faire triper et que c'est un peu égoïste, mais on est assez lucide pour savoir que c'est éphémère. C'est pour ça que ça me donnait le goût de crier ! Mes amis musiciens et moi, on a vraiment eu toujours ça comme plan A. Quand je dis "on fait seulement ce qu'on sait faire", c'est qu'on a mis pas mal tous nos oeufs dans le même panier. »

LE MONDE EST À PLAINDRE

« C'est une observation du monde, une critique et une autocritique aussi. On voit tout ça se passer, on a vu Trump arriver au pouvoir, par exemple, on le regarde aller et on fait quoi ? Ça va se répéter, l'histoire, les attentats, les drames ? Même si le sujet est plus grand que moi, je trouve ça affreux. Et ça me donne envie de crier. »

POURQUOI PAS S'ENFUIR

« C'est une chanson up tempo, mais ma voix y est plus basse, plus douce. On est plus dans l'invitation, l'évasion. J'adore les chansons de road trip, je voulais en faire une parce que je trouve que cet album va bien s'écouter en auto. Cette chanson, elle peut être sur repeat et tu ne t'en rends pas compte, tu galopes avec. C'est une belle suite d'accords, traitée dans une esthétique dreamy. Ça fait aussi partie de moi. »

ROCK

Les cris et les fleurs

Rémi Chassé

Musicor