Pierre Kwenders, qui s'affirme de plus en plus comme le porte-étendard d'une musique métissée, urbaine et panafricaine, refuse l'étiquette de «musique du monde». Makanda, son deuxième disque qui sort vendredi, est chanté en quatre langues, allie (entre autres) rumba congolaise, électro et hip-hop et est surtout sans complexe. Portrait d'un musicien qui rêve de donner du bonheur au plus grand nombre possible.

Le nom

Son vrai nom est José Louis Modabi, son nom d'artiste est Pierre Kwenders, mais ses collègues de la maison de disques Bonsound l'appellent... PK. Quoi, il y avait donc un autre PK à Montréal? «Je suis enfin devenu le seul, dit à la blague le musicien originaire de Kinshasa, qui est arrivé au Québec à l'âge de 16 ans... il y a 16 ans. Je ne suis pas content que P.K. Subban ait été échangé, mais je suis content qu'il soit parti!» Si le chanteur a choisi le nom de Pierre Kwenders (en hommage à son grand-père) pour séparer sa vie professionnelle de sa vie personnelle, la différence entre Pierre et José Louis diminue. «Pierre prend de plus en plus de place. Mais mon personnage de scène existe toujours, car dans la vie de tous les jours, je suis quand même assez tranquille.»

Le son

Le disque Makanda a été réalisé à Seattle par un des membres du duo hip-hop Shabazz Palaces, Tendai Maraire (Fly Guy Dai). «Il a à peu près le même bagage que moi, il est né en Afrique, a grandi en Amérique du Nord. Nous avons la même vision de la musique actuelle.» Pierre Kwenders continue la recherche d'un son «plus panafricain» qu'il avait entreprise sur son premier disque, Le dernier empereur bantou, paru il y a trois ans. Une musique «qui rejoint tous les goûts» et qu'«une personne d'ici ou d'ailleurs peut facilement écouter». Tendai Maraire lui a permis d'aller une coche plus loin, estime-t-il. «Il y a du sax, de la trompette, de la contrebasse, du violon. C'est très éclectique, mais tout se rejoint très bien», affirme Pierre Kwenders, qui n'aime pas le terme «musique du monde» et qui aimerait qu'on arrête de catégoriser la musique. «On aime bien mettre les gens dans des boîtes. Mais la musique n'a aucune frontière.»

Les thèmes

Pierre Kwenders affirme que son travail avec Tendai Maraire l'a emmené sur un terrain beaucoup plus personnel. «Le précédent disque était plus up-tempo, alors qu'ici, je transmets différentes émotions. Il y a de la danse, du réconfort, de l'amour, des coeurs brisés, de la motivation.» La pièce Sexus Plexus Nexus, inspirée d'Henry Miller, est par ailleurs ouvertement très sensuelle. «Je ne suis jamais allé aussi loin dans la sexualité! Mais c'est fait de manière amusante.» Makanda est aussi un hommage aux «femmes africaines belles et fortes», particulièrement à sa mère, à sa tante et à sa grand-mère. Le tout chanté en quatre langues: lingala, français, anglais et shona. «Le choix de la langue n'est pas calculé, ça se passe en studio, quand j'entends le beat. Dire je t'aime" en français ou en lingala, ce n'est pas ressenti de la même façon.»

Les collaborations

Pierre Kwenders s'est fait connaître en collaborant avec Radio Radio, Yann Perreau, Valaire, Boogat... «Dans une collaboration, chacun apporte un peu de soi. C'est comme ça qu'on partage les cultures, qu'on apprend à connaître l'autre. J'aime avoir cette chance, collaborer avec des gens que j'apprécie, que j'admire.» Yann Perreau, par exemple, Pierre Kwenders le voyait à la télé à l'époque du Bruit des bottes. «C'est très cool qu'il ait pensé à moi. Je vais toujours continuer les collaborations, car si on ne s'ouvre pas, on reste dans les préjugés. On est arrêté par les apparences... comme dans la chanson que j'ai faite avec Yann, Faut pas se fier aux apparences

Le DJ

Le musicien est un proche d'Arcade Fire, pour lequel il a joué en première partie lors du Kanaval KANPE, en mars au Métropolis. «J'ai connu Win Butler surtout par mon côté DJ. D'ailleurs, je commence une résidence de DJ tous les jeudis dans leur bar, le Ti-Agrikol, qui est juste à côté de leur resto Agrikol.» Pierre Kwenders est un des fondateurs du collectif Moonshine, qui organise, chaque samedi après la pleine lune depuis trois ans, des soirées de DJ qui sont de véritables happenings et où il officie avec plusieurs invités. «Avec ma musique, je fais danser les gens, mais ça dure une heure, 75 minutes, dit celui qui est réputé pour être une bête de scène. Quand je suis DJ, c'est toute la nuit! Juste voir le sourire des gens, la joie dans leurs yeux, c'est magnifique. Ils contribuent à mon bonheur.» 

L'avenir

Pierre Kwenders rêve de conquérir le monde. «J'ai envie de toucher le plus de gens possible, même ceux qui ne me connaissent pas encore. Je suis déjà en amour avec eux, en tout cas!» Conclusion: il est un lover ambitieux. «Quand même!» rigole-t-il. Il espère jouer en Afrique - «C'est un de mes plus beaux rêves» -, commence à explorer l'Europe, les États-Unis... Et le Québec, là-dedans? «Les Québécois m'ont donné tellement d'amour, et je leur en suis très reconnaissant. Je suis content d'avoir commencé ma carrière ici. Ce sera toujours ma maison et je n'ai pas l'intention de déménager. Même si après 16 ans, je n'ai toujours pas l'impression de m'être habitué à l'hiver.»

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Makanda. Pierre Kwenders. Bonsound. Sortie vendredi.

Spectacle de lancement au Centre Phi le 13 septembre.

image fournie par Bonsound

Makanda, de Pierre Kwenders