Grand Corps Malade, qui nous avait soufflé avec son album Midi 20, est de retour avec ses métaphores filées et ses rimes sensibles. Sur Funambule, il a mis des inquiétudes et des mots qui relèvent la tête, parce que « l'équilibre est une attitude ».

Q Funambule est traversé d'une grande inquiétude, mais suggère que l'amour est un rempart contre l'abattement. Ça correspond à votre vision du monde ?

R « L'amour en particulier, mais aussi l'humain en général. Dans Au théâtre, je dis qu'on a besoin des autres, que le théâtre est un art collectif. Dans Course contre la honte, Richard Bohringer dit que le tic tac doit être du côté du coeur plutôt que du porte-monnaie. Ça paraît presque évident de dire ça, mais c'est en remettant l'être humain au centre des débats et non la rentabilité à tout prix qu'on pourra ne pas baisser les bras. (...) Il faudra du courage et de l'utopie, comme le dit Richard Bohringer. »

Q Qu'est-ce qui vous lie à Richard Bohringer, qui apparaît dans le clip du morceau Au théâtre et dans Course contre la honte ?

R « Une belle histoire d'amitié. On se voit souvent, on s'appelle, on a voyagé ensemble en Afrique. On s'entend vraiment très bien, on se découvre des points communs. On a eu envie de faire ce dialogue entre deux générations sur le monde un peu malade qui nous entoure... On a eu l'idée du texte ensemble, mais c'est moi qui ai écrit le premier. Dans ma partie, il y a un constat un peu pessimiste et je l'ai envoyé à Richard Bohringer pour qu'il apporte des réponses. »

Q Sur Funambule, il y a du blues, du piano à pouces africain, un brin de jazz orientaliste, pourquoi un tel éclatement ?

R « J'aime qu'un disque change d'humeur. Même quand j'écoute ceux d'autres artistes, j'aime ne pas entendre 12 fois le même piano ou la même ambiance. (...) C'est le texte qui guide les arrangements, mais je laisse beaucoup de liberté au compositeur. Je lui dis les ambiances que j'imagine et après, je le laisse m'étonner. »

Q Votre slam s'appuie beaucoup sur la rime. Est-ce une figure imposée ou un atout ?

« Le slam n'a pas l'obligation de rimer. Celui qui rime, c'est parce qu'il en a envie. Moi, j'aime la rime. Je trouve qu'elle donne du rythme et du velours à l'oreille, je n'en suis pas du tout prisonnier. Au contraire, elle m'aide à écrire. »

Q Thomas Fersen a déjà dit que la rime l'empêchait d'écrire n'importe quoi...

« La rime peut aussi faire écrire n'importe quoi ! Je fais beaucoup d'ateliers avec des enfants et parfois, on se rend compte que, pour l'envie d'une rime, ils sont prêts à ce que leur texte n'ait plus aucun sens... »

Q Qu'est-ce qui vous pousse à vous engager auprès des jeunes ?

« Ce que je trouve le plus injuste, c'est quand les jeunes se trouvent dans des postures difficiles. Voir des êtres humains dans des situations délicates, c'est toujours difficile, mais quand ce sont des jeunes, ça me parle, ça me préoccupe. Alors c'est vrai, je fais des actions auprès des jeunes, mais aussi dans des prisons et aussi des ateliers de slam dans des maisons de retraite. L'écriture, c'est juste une porte d'entrée. Ce qui compte, c'est de montrer aux gens qu'on s'intéresse à eux. » D'où vient ce désir d'engagement ?

R L'album s'appelle Funambule et il parle de la recherche d'équilibre. J'ai la chance de faire un métier qui marche bien, où j'ai beaucoup de reconnaissance, où je m'en sors très bien financièrement. [...] Je me sens privilégié de faire ce que je fais, alors il me semble normal de temps en temps d'aller voir d'autres gens, de m'occuper un peu des autres et surtout d'aller vers des gens qui ne sont pas dans mon milieu artistique. Ça, ça crée un équilibre.