Quatuor à cordes, bande électroacoustique, vidéo de synthèse en 3D: telles sont les composantes de l'oeuvre pluridisciplinaire que suggère Louis Dufort, ce vendredi à la Salle Bourgie. Présenté une première fois en juin 2011, Quatre histoires néguentropiques est le seul projet du genre intégrant toutes les pratiques créatives du compositeur.

Louis Dufort rappelle son rapport à la danse contemporaine:

«Une mes activités artistiques consiste à créer des environnements sonores pour cette discipline; à ce titre, j'ai créé les sons d'une dizaine de productions de Marie Chouinard. Ce qui explique la participation de Lucy M. May, qui travaille avec Marie. Il y a deux ans, cette dernière faisait partie du spectacle - alors que Lucy sera seule, cette fois.»

Louis Dufort rappelle sa pratique de vidéaste d'art:

«Depuis tout petit, je m'intéresse aux arts visuels et aux oeuvres immersives. Ça fait au moins une quinzaine d'années que j'intègre de la vidéo à mes oeuvres. À MUTEK, par exemple, j'ai fait une performance pour 10 écrans. Ça s'inscrit dans un continuum.»

Continuum... néguentropique, Louis Dufort?

«Néguentropique, répond-il, est l'inverse d'entropique. Cela désigne une force permettant de maintenir les parties d'un ensemble au lieu de laisser se dissiper. Dans le cas de ce projet, il s'agit de réunir les différentes pratiques et les faire évoluer de manière cohésive.»

Quant à la musique pour bande électroacoustique et le quatuor à cordes Chorum (Emmanuel Vukovich et Lizann Gervais, violons, Marina Thibeault, alto,Raphaël Dubé, violoncelle), le compositeur l'a envisagée selon les explications qui suivent:

«J'ai voulu ouvrir une parenthèse à mon travail que je qualifierais de maximaliste, c'est-à-dire assez complexe, touffu, inspiré de l'approche systémique. Cette fois, au contraire, j'explore la simplicité à travers quatre «histoires», musiques plutôt ambient qui peuvent se rapprocher de la musique répétitive américaine ou du minimalisme techno d'artistes comme les Suédois Adam Beyer et Cari Lekebusch, de l'Italien Marco Carola. Musiques répétitives, abrasives, très groovy, qui génèrent une sorte de transe. Il y a un fond de groove dans mes affaires!»

Plus précisément, la musique de ces «histoires néguentropiques» se décline comme suit:

«J'ai créé des motifs répétés à la manière d'ostinatos. Les parties éthérées de la pièce se transforment à travers des ritournelles dont l'amplitude ne cesse de croître, mais sans processus de déphasage à la Steve Reich. Ainsi, j'ai cherché à atteindre une sorte de stabilité d'écoute, suspension totale propice à des changements de dynamique.

«Harmoniquement, toutes sortes de choses se produisent pour le quatuor à cordes. Pour ce, je me suis entre autres inspiré de l'harmonie des sphères (Pythagore), qui défend cette idée que l'univers se conçoit sur des rapports numériques harmonieux. Plus concrètement, cette musique est plutôt modale, soit d'apparence plus ancienne; cela diffère de la musique classique européenne (tonale). Dans cette même optique, le jeu du quatuor à cordes peut rappeler des musiques baroques ou anciennes -  absence de vibrato, évocation de la viole de gambe ou même de bois flûtés, etc. Un jeu très délicat, en quelque sorte.  Enfin, en guise d'opposition, les parties du quatuor sont entrecoupées de musiques électroacoustiques qui durent environ deux minutes et qui se veulent des contreparties très dynamiques.»

En somme?

«Pour que la totalité d'un tel spectacle puisse présenter de la complexité, chaque discipline impliquée doit présenter des formes simples d'apparence. Présentées de manière plus éthérée, plus lente, moins bousculée.»

Alors? On respire par le nez (guentropique!) et on ouvre bien grand les yeux et les oreilles...

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Le vendredi 22 février prochain, la Fondation Arte Musica présentera, à la Salle Bourgie, l'oeuvre pluridisciplinaire Quatre histoires néguentropiques du compositeur Louis Dufort, accompagné du Quatuor à cordes Chorum et de Lucy M. May, danseuse de la Compagnie Marie Chouinard.