Somi est une chanteuse sur laquelle il faut désormais compter. Parions que sa première escale au Festival de jazz de Montréal ne sera pas la dernière.

En ce beau lundi de mai, Somi m'a donné rendez-vous dans un secteur embourgeoisé de Harlem. Plus jeune, plus instruite, la majorité noire de ce secteur résidentiel de Manhattan n'a plus l'attitude des quartiers blacks typiques des grandes villes américaines. Visiblement, Somi fait partie de cette mouvance.

 

Après avoir vécu cinq ans à Brooklyn, la chanteuse a élu domicile dans la partie ouest de Harlem. Elle est installée à New York depuis une dizaine d'années. Elle y était venue pour faire des études universitaires. Somi est diplômée en anthropologie. Elle a aussi fait une école d'arts.

«Ce background intellectuel fait partie de moi. Ça m'aide beaucoup lorsque je donne des ateliers de chant, par exemple», explique cette femme visiblement allumée.

Somi n'est pas afro-américaine comme on l'entend normalement, c'est-à-dire qu'elle ne descend pas de cette vaste communauté transplantée de force en Amérique à l'époque de l'esclavage. Somi provient plutôt de la diaspora intellectuelle africaine. Son père, Tutsi rwandais, enseigne la médecine vétérinaire et l'immunologie dans l'Illinois. Sa mère, d'origine ougandaise, est infirmière spécialisée en oncologie. Biculturelle, sinon triculturelle, Somi a grandi aux États-Unis, sauf quelques années en Zambie, au Kenya et en Tanzanie au cours desquelles papa est allé faire de la coopération. Elle a six frères et soeurs, établis en Amérique ou en Afrique.

Pourquoi chanter, Somi?

«J'ai toujours chanté. À l'école, dans les chorales, partout où je pouvais le faire. J'ai aussi appris à trouver ma voix en jouant le violoncelle, un instrument que j'adore. La musique était une passion depuis ma tendre enfance, pas nécessairement une intention de carrière. Mes parents et mes amis m'ont toujours encouragée, sans penser que je deviendrais vraiment chanteuse.»

Racines africaines

Tête chercheuse, femme inspirée et sensuelle, Somi évolue sur ce territoire situé quelque part entre musique africaine, soul et jazz.

«Eternal Motive, mon premier album, était plus soul. J'étais plus éloignée de mes racines africaines. On m'avait laissé entendre que le public ne les saisirait pas, qu'il ne comprendrait pas la démarche. Or, c'est en incorporant ces musiques dans mes spectacles que j'ai réalisé leur pertinence dans mon expression.

«L'album suivant, Red Soil in My Eyes, abordait essentiellement la thématique du retour en Afrique, la connexion à mes racines avec tout ce que ça comporte d'organique dans la facture; instruments acoustiques, musiques improvisées, mais aussi l'importance du jazz dans les progressions harmoniques. Cela dit, je ne me considère pas précisément comme une chanteuse de jazz.»

La carrière de Somi a fini par décoller dans les zones pointues de l'Amérique et particulièrement dans l'espace francophone d'Europe où elle jouit d'un véritable buzz. Elle a d'ailleurs enregistré à Paris une bonne partie de son nouveau projet d'album, dont la sortie est prévue dans quelques mois.

Elle n'hésite pas à nous donner un avant-goût. «Je veux ma nouvelle musique vraiment orientée vers le groove. Je veux faire bouger. Je veux générer le mouvement des corps, et transmettre plus de joie par voie de conséquence. Les références africaines sont très modernes, mais elles m'apparaissent plus importantes que jamais, sans négliger attitude jazz.

«Je suis fière de mes textes et de l'approche générale de l'écriture des chansons - dont on devine la veine soul. Par ailleurs, j'ai développé une approche «polyvocale» avec les nouveaux outils numériques d'enregistrement disponibles - traitement de la voix, juxtapositions, etc.»

On en déduira que Somi est la bienvenue sur la planète jazz.

«Le monde du jazz, corrobore-t-elle, encourage la liberté des métissages et l'improvisation. Ce fut la première communauté musicale à réagir positivement à mon travail. C'est pourquoi je me retrouve dans une position propice au sein d'un festival de jazz comme celui de Montréal. J'y viens d'ailleurs avec des musiciens (piano, basse et batterie) qui sont très solides à ce titre.»

On ne s'étonnera pas que le fameux trompettiste sud-africain Hugh Masekela soit l'un des invités spéciaux sur le prochain album... Et que l'expression planète jazz prend tout son sens avec des artistes telle Somi, diva transculturelle dont les semis émergent à peine du sol.

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Somi se produit ce soir, 21h, à l'Astral

EN UN MOT

Élevée aux États-Unis au sein d'une famille d'intellectuels africains, Somi est chanteuse aux multiples allégeances: africaines, afro-américaines, soul, R&B, jazz.

Album essentiel

Red Soil in My Eyes, World Village/Harmonia Mundi

Le deuxième album de Somi est intimiste, mise sur une instrumentation acoustique traversée par le jazz et l'Afrique. Plus qu'agréable!