Qui d'autre que Martin Deschamps aurait pu réunir sur le même album les pianistes Lorraine Desmarais et Richard Abel, Vic Vogel et Daniel Lavoie, Claude «Mégo» Lemay et Guy St-Onge ? Et cette liste n'est pas exhaustive... Tous ont en effet accepté d'accompagner simplement Martin sur un disque dont le titre résume la démarche: Le piano et la voix, lancé il y a quelques jours.

«Tu vas écrire, hein, que je reste un rockeur, que mon virage piano, c'est une expérience volontaire, mais temporaire?» Oui, Martin, on va l'écrire. Et on comprend le chanteur d'être un brin inquiet: quoi, le gars qui rocke Intense (titre de son précédent album), qui a déjà interprété du Offenbach, qui fait de la moto, joue de la basse et de la batterie, serait devenu un crooner? Niet, pantoute. «En fait, après le full rock, quasi métal d'Intense, j'avais envie de pousser mes limites dans l'autre direction pour faire du bien au monde, explique Deschamps. Que les gens soient apaisés, consolés par de belles chansons. Jusqu'ici, j'ai essayé de transmettre ça avec le non verbal, mais là, j'avais envie de le dire au monde dans le verbal et dans la franchise.»

Le piano et la voix a vu le jour grâce à une chanson envoyée par le compositeur québécois Paul Baillargeon, qui vit à Los Angeles et qui a composé aussi bien la musique de La route 11 pour Jean-Pierre Ferland que celle de La colombe pour Céline Dion ainsi que la musique... des séries Star Trek: Deep Space, Voyager et Enterprise. Pas moins de sept des 13 chansons de l'album sont signées Paul Baillargeon. On y trouve aussi une reprise de La voix que j'ai, popularisée par Offenbach, et une version acoustique de Quand, un des succès de Deschamps («mais on l'a baissé d'un ton, ça fait moins fâché!»).

Des pianistes différents

Et d'où lui est venue l'idée de demander à des pianistes aussi différents de l'accompagner, d'enregistrer en direct avec lui en studio? «D'abord, au piano, moi, je suis juste capable de m'accompagner en chantant Faut que j'me pousse, pas plus (rires). Richard Abel, j'ai travaillé avec lui en Europe pour un spectacle pour l'UNESCO à Paris avec Nanette Workman et Yves Duteil! Lorraine Desmarais, je ne la connaissais pas personnellement, mais j'allais assister aux ateliers de piano jazz qu'elle donnait au cégep Saint-Laurent où étudiait mon ami Bernard (Quessy, qui joue lui aussi sur l'album). Vic Vogel, c'est bien sûr pendant l'expérience Offenbach - et je voulais absolument faire un scat avec lui, on l'a fait! Daniel Lavoie, je l'ai rencontré au 400e de Québec; je parlais de mon projet à Michel Rivard, qui me pointe Lavoie, qui joue vraiment bien du piano. «Ouain, que je lui réponds, mais y est grand!» Je suis allé parler à Daniel quand même: c'est vrai qu'y est grand (rires), mais il a accepté dret-là.» « Lavoie a même signé une chanson sur l'album. Comme toutes celles qui y figurent, elle permet de découvrir la voix de Deschamps et ses nuances, souvent étonnantes, de l'extrême tendresse au scat rigolo.

«Je suis devenu mon propre producteur, je vole de mes propres ailes, et j'étais avide, au début, de faire un projet qui ne coûte pas les yeux de la tête. Ben, finalement, ça coûte cher aussi, faire un disque piano-voix (rires) et c'est autant de travail. Ce qui m'a frappé, c'est que tout le monde m'a fait confiance et m'a aidé - si tu savais comme on a été gentil avec moi pour m'apprendre à m'organiser avec les droits d'auteur, les droits voisins, etc. Ça rassure son homme.»

Cet album aura-t-il une suite? Donnera-t-il lieu à des spectacles? «Ça dépend. Mais depuis un an, on rode un show piano-voix et on réalise que les gens rient, pleurent et repartent très heureux. On défend plein de causes, et c'est important. Mais des fois, c'est aussi important de parler d'espoir aux gens.»