L'explosion pop des années 60 a été marquante pour la culture occidentale. Pas besoin de vous rappeler l'influence des Beatles, l'arrivée du LSD, le «summer of love» ou les hauts et les bas du rêve hippie.

Mais si vous croyez que cette révolution s'est limitée à l'Europe et à l'Amérique du Nord, détrompez-vous. À en juger par trois excellentes rééditions parues cet été, la drogue était aussi bonne sinon meilleure dans les pays en voie de développement.

 

Prenez le Pérou. À la fin des années 60, ce pays d'Amérique latine a été envahi par la chicha», version andine de la cumbia colombienne. Les rythmes s'inspiraient du folklore afro-cubain (omniprésence du guiro, percussion typique de la cumbia), mais les arrangements se voulaient clairement «hip» pour l'époque: exit le vieil accordéon, bonjour le moog, l'orgue farfisa et les guitares wah-wah funky...

La compilation Roots of Chicha résume admirablement bien cette période d'expérimentations musicales, qui s'est essoufflée au milieu des années 70 avant de donner naissance à la chicha moderne. À la fois «groove» et ambiance, les 17 morceaux révèlent une facette insoupçonnée de l'histoire de la pop péruvienne, avec des groupes aussi méconnus que Los Mirlos, Los Destellos ou Los Diablos Rojos. Et nous rappellent, si besoin est, que la musique des Andes ne se limite pas à l'entêtant El Condor Pasa.

L'album Bollywood Steel Guitar est tout aussi surprenant. On y découvre des classiques du cinéma indien, joués avec un instrument typiquement américain. Appelez ça du western curry, du country tandoori, ou tout simplement un emprunt «hors contexte», mais un fait reste: le résultat est excitant.

Les 21 morceaux instrumentaux de cette compilation ont été enregistrés entre 1962 et 1986, par les plus grands virtuoses de la steel guitar indienne: Van Shipley, Kazi Aniruddha, Sunil Ganguly...

Influencés par le surf, le rock à gogo et la musique bollywoodienne, ces types étaient loin d'être des manchots. Certains avaient même autant de bras qu'une déesse hindoue. Si l'on en croit les photos du livret, le sikh S. Hazarasingh jouait d'un instrument à deux manches dès 1968, bien avant Jimmy Page, de Led Zeppelin...

Ce qui nous amène à l'ineffable Sir Victor Uwaifo, alias Guitar-Boy Superstar. Surnom bien prétentieux pour un illustre inconnu, dites-vous. Mais sachez qu'au Nigeria, le bonhomme est une véritable institution.

Dans les années 70, Victor Uwaifo a inventé un drôle de mélange entre le rock américain et les rythmes «ekassa» d'Afrique de l'Ouest. Ses chansons, légères et joyeuses, n'ont rien à voir avec l'afro-beat politisé de son compatriote Fela Kuti. Mais ses délires à la six cordes méritent certainement d'être soulignés.

Virtuose? Pas tout à fait. Mais créatif, ça oui. Si tous les morceaux commencent à peu près normalement (quoique...), certains débouchent sur de déroutants solos de guitare tirant sur le funk et psychédélique. Le plus étonnant est que cet adepte de culturisme ne touchait ni aux drogues ni à l'alcool...

Décoré de l'Ordre du Nigeria, Victor Uwaifo a délaissé la musique. Il se consacre aujourd'hui à la peinture, à la sculpture (ses statues de bronze sont partout à Benin City, sa ville natale) et à l'enseignement des arts, en plus d'être responsable des affaires culturelles dans l'État d'Edo, au Nigeria.

Moins guitare, mais toujours superstar.

ROOTS OF CHICHA: PSYCHEDELIC CUMBIAS

FROM PERU (BARBES RECORDS) WWW.BARBESRECORDS.COM

*** 1/2

BOLLYWOOD STEEL GUITAR

SUBLIMEFREQUENCIES) WWW.SUBLIMEFREQUENCIES.COM

*** 1/2

VICTOR UWAIFO: GUITAR-BOY SUPERSTAR

(SOUNDWAY/FUSION3)

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