«Allez sur Mars sans drogue, only 35 $.» Le slogan du revendeur de billets sur Sainte-Catherine n'était pas mal choisi.

Aucun fan n'a dû être surpris que Mars Volta, cet ovni musical, offre un concert atypique hier soir au Métropolis. Pas de première partie, pas de rappel, seulement un bonjour au milieu du concert et un merci lancé sans avertissement après environ 100 minutes juste avant que les lumières ne s'allument. On ne s'en plaignait pas trop. Il y a une limite au nombre de décibels ou de notes que nos oreilles peuvent encaisser. Le rock progressif, expérimental et parfois psychédélique de Mars Volta a toujours polarisé, et le concert d'hier soir n'y changera rien.

Avec son dernier disque Octahedron, le groupe né des cendres d'At the Drive-in retournait à une musique un tout petit peu plus accessible, avec notamment le simple propret Since Weve Been Wrong. On ne l'a pas entendu sur scène, ce qui ne dérangeait pas.

Le concert a commencé avec Inertiatic ESP, extrait de l'excellent premier disque De-Loused in the Comatorium. Juste assez bizarre comme début. Les bras collés au tronc, Cedric Bixler-Zavala avance vers son micro comme s'il était hypnotisé. Derrière lui, une toile aux motifs psychédéliques changeants, à mi-chemin entre une Tangkha tibétaine et de vieilles pochettes de disque. La mise en scène est complétée par un drapeau du Mexique (où le groupe vit désormais), de mystérieuses tasses fumantes qu'un roadie apporte entre chaque pièce ou presque et les afros luxuriants de Cedric et du guitariste Omar Rodriguez-Lopez.

Ce sont des inconditionnels de Funkadelic, mais ça paraît plus dans leur allure que dans leur musique. Mars Volta se tient loin de la pureté dépouillée d'un Maggot Brain, surtout sur scène. Il n'y avait pas de cuivre hier, ni de finesses latines comme sur les vieilles pièces de Frances The Mute.

Le groupe a joué sans trop d'ordre autant de vieilles chansons que des nouvelles dans ce qui ressemblait à un délire rock on ne peut plus abrasif. L'empereur Joseph II se serait exclamé «too many notes». Pas nous, du moins pas toujours. Au contraire, on se laisse souvent embarquer dans leurs prodigieuses envolées. C'est tantôt la puissance brute du batteur Thomas Pridgen, plus musclé que nuancé sur scène, ou tantôt les prouesses du cerveau du groupe, Omar Rodriguez-Lopez, armé de la même guitare du début à la fin. Tout simplement renversant.

On a toutefois eu la preuve que ce groupe à six têtes est particulièrement périlleux à sonoriser. Premier constat, on se demande pourquoi Marcel, le frère du guitariste, joue des congas. Ils sont complètement enterrés par le mur sonore de ses collègues. Aussi, la voix de Cedric Bixler-Zavala manquait souvent de définition. Peut être que cela résulte de son micro (ou deux collés ensemble, on voyait mal du parterre), qui ressemblait à une grosse brosse à dent électrique blanche. Au moins, on n'entendait pas trop ses paroles - souvent un copier-coller vaguement surréaliste de mots insensés.

Malgré les prouesses individuelles, l'ensemble paraît parfois chaotique. Puis survient un énième changement de rythme impeccable, et on réalise que chacun joue exactement ce qu'il doit, quand il le doit. Appelons cela de la folie contrôlée, ou du prog-rock héroïque et cosmique. Le voyage ne se digère pas toujours facilement, mais au moins, il amène en quelque part.