Aimeriez-vous afficher une telle forme à 56 ans? Poser la question, c'est... répondre que David Byrne est le quinquagénaire idéal. Force était de le constater au Métropolis, hier soir.

Ses chansons ne prennent pas de rides, même après trois décennies de vie; sa taille n'est ceinturée d'aucun kilo excédentaire; sa voix n'est altérée par nul signe d'usure; son énergie de jeune homme est restée intacte; ses cheveux blancs et abondants s'harmonisent parfaitement aux habits immaculés de ses six musiciens, trois choristes et trois danseurs.

 

Le chanteur américain doit-il prendre soin de lui pour nous offrir une telle décharge? Bien sûr que oui, et c'est parfait ainsi. Et chaque fois que David Byrne revient parmi nous, virtuellement ou physiquement, les doutes de son vieillissement formel ou physique se dissipent très vite.

Hier au Métropolis, cette paire d'heures passées la pédale au fond a mené une fois de plus à ces conclusions. Bien sûr, l'homme vieillit comme vous et moi, il attire certes une majorité de quadras et de quinquas, mais on aura aussi remarqué une forte portion de jeunes fans, dont Win Butler d'Arcade Fire, qui se réclame des Talking Heads, à l'instar d'autres formations de la même génération (LCD Soundsystem par exemple). Faut-il s'en étonner?

Aucunement, car Byrne est en phase avec l'époque actuelle: parfaitement adapté à la culture numérique, les antennes déployées sur les tendances les plus pertinentes de la pop culture, le propos allumé et lucide, la plume encore affûtée.

Ainsi, la soirée s'est amorcée par une intervention placide du chanteur qui nous a proposé le téléchargement de l'album Everything That Happens Will Happen Today (créé de concert avec Brian Eno) avant sa sortie dans «le monde matériel». Non, ce n'était pas l'amorce d'une conférence sur l'impact de la révolution numérique sur la musique. C'était plutôt le prélude d'une véritable déferlante de classiques et de chansons neuves.

Assez pacifique en intro, Strange Overtones a dressé la table de ce folk electronic gospel - l'expression suggérée par le tandem Byrne-Eno pour désigner son nouvel enregistrement. Même si la structure harmonique a été créée par Eno, on sentait la parfaite appropriation du chanteur américain. On s'est ensuite retrouvé en terrain connu avec un classique de Talking Heads, I Zimbra, chanson haute tension impliquant une série de manoeuvres chorégraphiques.

L'invitation de trois danseurs dans ce cadre aurait pu s'avérer maniérée, voire agaçante pour la performance instrumentale. Ce ne fut vraiment pas le cas. À maintes reprises, on a vu les choristes se fondre dans le mouvement des danseurs, de manière à ce que les rôles puissent se confondre joyeusement. Byrne lui-même a participé à ces jolis sparages collectifs.

Contenu énergisant

Au cours de ces deux heures superbement orchestrées, on a eu droit à un contenu énergisant et équilibré: funk, new wave, rock, folk, country, gospel; tous ces genres concourent au survol de l'existence entière de cet artiste brillant et si sympathique. Le menu est chargé de classiques et de reprises plus obscures, auxquels se greffe une bonne portion de nouveau matériel. Hormis les versions archiconnues (Houses in Motion, Crosseyed and Painless, The Great Curve, Once in A Lifetime, Heaven, Burning Down The House, Life During Wartime, Take Me to The River) et tirées d'albums aussi marquants que Fear of Music et Remain In Light, on a pu siroter Help Me Somebody, de My Life In The Bush of Ghosts, ou encore My Big Hand de The Catherine Wheel.

Du nouvel album, on a pu remarquer la très mélodique One Fine Day, porteuse d'espoir avec en prime une allusion directe à l'élection présidentielle de la semaine prochaine. La récente Home, qui inspire la pochette d'Everything That Happens a été interprétée comme la country folk à saveur gospelisante My Big Nurse, les très pop The River et Life is Long, ou encore I Feel My Stuff, qui comprend un mélange de jazz, de rock et tout plein d'angles audacieux. Et on ne compte pas la chanson-titre.

Dans le contexte particulièrement inquiétant de la période actuelle, l'évocation de l'espoir et tout ce blanc sur scène ont à tout le moins éclipsé toute vibration négative et électrisé le public montréalais, le temps d'une super soirée.