Un record: en moins d'un mois, Montréal aura vu l'ouverture de deux nouvelles salles de concert. Après ce qui s'appelle désormais La Maison symphonique de Montréal, de 1900 places, voisine de la salle Wilfrid-Pelletier, s'ouvrait hier soir la salle Bourgie de 444 places, aménagée dans l'ancienne église Erskine and American, tout à côté du Musée des beaux-arts dont elle fait partie.

Le concert inaugural était sur invitation seulement, mais on pourra en entendre l'enregistrement ce soir même, 20h, à Radio-Canada.

Le premier contact avec la nouvelle salle est bon. On a remplacé le module d'entrée installé au printemps, et dont le modernisme outré défigurait la façade du vieux temple. À l'intérieur, on a conservé l'essentiel du cadre original tout en le rafraîchissant. Ainsi, une nouvelle lumière éclaire les fameux vitraux de Tiffany, qui comptent parmi les plus beaux en Amérique. Détail non négligeable: les longs bancs de bois coussinés ont été remplacés par des fauteuils où l'on est aussi confortable que chez soi!

Le Tout-Montréal de la grande musique était là. Le programme, assorti des allocutions de circonstance, dura près de trois heures et de nombreux auditeurs ne revinrent pas après l'entracte.

Dirigé par Christopher Jackson, un ensemble de huit cuivres clama d'abord quelques Monteverdi et Gabrieli. Karina Gauvin suivit, avec André Laplante au piano, et offrit An die Musik, hymne de Schubert à la musique et choix idéal pour l'événement, qu'elle interpréta avec la voix et la sincérité d'une belle artiste. En fait, et jusqu'à la dernière rangée, on y entendait deux voix: nouveau Glenn Gould, M. Laplante chante en jouant et, j'en suis sûr, sans s'en rendre compte.

On annonça un ajout au programme: une pièce de Messiaen de 1935 qui, selon les sources, s'intitule indifféremment Étude-Vocalise, Vocalise-Étude ou Vocalise. Peu importe: la chose se ramène à un exercice technique sans intérêt musical. Avec un petit ensemble instrumental, Mme Gauvin chanta ensuite la joyeuse Cantate no 51 de Bach, Jauchzet Gott in allen Landen!, dans un style que je me contenterai de qualifier de personnel.

Le programme comprenait deux créations commandées pour l'événement: Double Trio, de l'Américain Elliott Carter, et Hommage à Louis C. Tiffany, du Montréalais Maxime McKinley. Jean-François Rivest dirigeait le Carter et Jackson dirigeait le McKinley.

Elliott Carter aura 103 ans le 11 décembre. Autant on admire le fait qu'il compose encore à un âge aussi avancé, autant il faut bien dire que sa pièce de huit minutes est déséquilibrée et n'ajoute rien à sa réputation. Le violon d'Alexandre da Costa monopolise la moitié de l'espace. Les autres instruments se contentent de miettes. Plus originale, la pièce de McKinley fait circuler les sons de huit cuivres (quatre trompettes, quatre trombones) autour de la salle en mouvement perpétuel de cinq minutes.

André Laplante et un quatuor à cordes formé pour l'occasion terminaient le concert avec le Quintette op. 34 de Brahms. Une solide lecture de musiciens professionnels qui travaillent bien. Quand même, je ne regrettais pas l'omission de la longue reprise au premier mouvement.

Concernant l'acoustique, elle se révèle - après un seul contact, il est vrai, et d'un seul endroit, soit l'arrière - bonne, avec réserves, pour l'ensemble des instruments, plus inégale en ce qui concerne la voix. Tout ce qui est chanté forte crée une surcharge qui, au surplus, brouille le texte. De même, les toux y sont grandement amplifiées...

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CONCERT INAUGURAL de la nouvelle Salle Bourgie du Musée des beaux-arts.

Radiodiffusion du concert: Radio-Canada, jeudi 29 septembre 2011 à 20h.