Matt Holubowski a pris le temps qu’il fallait pour fabriquer Like Flowers on a Molten Lawn, quatrième album – plus expérimental – qui arrive avec le printemps, saison qui en a inspiré toute la création.

Si vous pensiez que le mélancolique auteur-compositeur-interprète montréalais était davantage du type automne, vous aviez raison. « Ça a toujours été ma saison préférée. Je trouvais ça plus poétique, parce que tout meurt l’automne et que ça nous rappelle que la vie est précieuse. »

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Mais « quelque chose est arrivé » et l’idée du printemps, des fleurs et du cycle des saisons est partout dans cet album inspiré d’un texte du poète américain E. E. Cummings, Spring Is Like a Perhaps Hand.

« J’en parlais, j’y pensais constamment. Dans ce poème, c’est comme si on regardait le printemps se former. Tu le vois se déposer, comme un peintre qui jette une couleur, qui observe et qui attend. Ça faisait longtemps que je voulais créer de cette manière, en faisant les choses lentement. »

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Matt Holubowski nous a accueillis en cette première journée du printemps – beau hasard – dans son studio du Mile End, encombré d’instruments après une journée de répétition avec ses musiciens. C’est là qu’on avait rencontré le volubile chanteur pour la sortie de son précédent album, le très beau Weird Ones, en février 2020. Quelques semaines plus tard, tout fermait – c’est même lui qui avait donné un des derniers gros spectacles à Montréal, le 4 mars au MTelus.

La tournée qui était prévue ensuite n’a jamais pris l’envol escompté. Mais même s’il y parle de renaissance et d’apocalypse, Like Flowers on a Molten Lawn n’est pas un album inspiré par la pandémie, précise Matt Holubowski. Ce qu’elle lui a apporté, c’est plutôt « le luxe du temps », pour apprendre et pour créer, sans obligation.

Ne pas avoir de futur, ne pas pouvoir faire de plan, ça m’a permis de me ramener 10 ans en arrière, quand j’étais à l’université et que j’étudiais juste pour étudier.

Matt Holubowski

Synthés, logiciels et techniques d’enregistrement de toutes sortes sont devenus une obsession pour le musicien. Il raconte même avoir passé deux semaines à suivre un tutoriel sur le fonctionnement d’une machine à écho des années 1970 !

« J’ai toujours eu peur de rentrer dans ce monde parce que c’est tellement infini. Mais je suis rentré et c’est comme si je n’allais jamais manquer de jouets, que je n’allais jamais en voir le bout. »

Ce qui le rend particulièrement heureux. Like Flowers on a Molten Lawn serait donc un album de geek ? Il sourit, satisfait. « Tellement ! Je pourrais t’en parler ad nauseam. Ça fait longtemps que je n’ai pas été aussi excité par quelque chose », dit Matt Holubowski, qui concède qu’il pourrait « être dans le tournage de pitons et le branchage de fils » pour le reste de sa vie.

Il a quand même fini par écrire des chansons et c’est le réalisateur Pietro Amato qui a été là pour l’aider à canaliser toute cette nouvelle technique assimilée. « Sans Pietro, je pense que j’aurais fait un album juste de bruitage ! »

Plus créatif

Matt Holubowski est convaincu que tout ce processus l’a rendu « exponentiellement plus créatif » et qu’il lui a permis de mieux comprendre ses chansons. L’album s’est ainsi élaboré lentement, à coups d’essais-erreurs et de semaines passées dans des chalets ou des studios avec ses musiciens. « Ça a pris un an et demi. On a peaufiné, on a scrappé des tounes entières, on a recommencé. »

Le résultat est un album texturé, riche et évanescent, qui juxtapose du drum machine et de la batterie, mélange de la guitare rock et un orchestre symphonique, inclut du cor français et du koto, et dans lequel il joue essentiellement des claviers. « Je joue juste une chanson à la guitare. C’est un choix délibéré », dit le musicien qui s’est initié à l’univers des synthés.

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« J’avais peur de devenir un cliché de moi à la guitare. J’avais l’impression que je ne me réinventais pas suffisamment. En reconnaissant mes limites, ça me permettait de me concentrer sur d’autres aspects de ma créativité. »

L’objectif dans tout ça : se regarder dans le miroir avec un « regard brut et honnête », se mettre en danger, ne pas se reposer sur ses lauriers. Il chante différemment pour les mêmes raisons, question de ne pas tabler uniquement sur le « dynamisme » de sa voix.

Je peux chanter très haut, très bas, très fort. Mais j’avais envie de laisser la place aux mélodies et aux arrangements plutôt que de faire la grosse voix impressionnante. Chanter fort ne veut pas dire chanter bien. Et chanter bien ne veut pas dire chanter une bonne chanson.

Matt Holubowski

C’est clair, Matt Holubowski n’aime pas beaucoup avancer sur le pilote automatique. « C’est comme ça que j’aime vivre la vie. » Mais si cet album est différent et plus expérimental, il le voit surtout comme la continuité de ses précédents. Et il est aujourd’hui autant tenté par l’album instrumental que démangé par l’envie de revenir à la guitare acoustique comme à l’époque de son premier album, Old Man.

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« Ce que le processus m’a fait comprendre, c’est accepter que je ne suis pas pris dans une cage de style », constate le chanteur, qui est sur le point de repartir en tournée et qui espère que son album pourra continuer à évoluer en spectacle. Et s’il oscille toujours entre la joie printanière et la tristesse automnale, il attend la suite en sachant qu’une carrière en musique est faite de beaucoup plus de déceptions que de succès.

« On s’en reparlera dans un an, si je souhaite être encore un gars de printemps. »

Like Flowers on a Molten Lawn

Indie folk

Like Flowers on a Molten Lawn

Matt Holubowski

Audiogram