Le claviériste et chanteur Donald Fagen et le guitariste Walter Becker se sont amenés sur la scène du Saint-Denis avec trois choristes, les Danettes, pendant que leurs huit musiciens terminaient une pièce jazzée à saveur cubaine, hier soir. Aussitôt, le public montréalais leur a servi une ovation qui témoignait bien de sa hâte d'entendre la musique de Steely Dan.

Il n'allait pas être déçu. Dès la deuxième pièce, on a eu droit - déjà! - à l'immense Aja, pendant laquelle l'excellent batteur Keith Carlock a donné toute la mesure de son savoir-faire. Tout ce beau monde a enchaîné avec Hey Nineteen au milieu de laquelle l'inénarrable Becker s'est lancé dans une tirade hallucinée où il était question d'un désastre écologique imminent, du pouvoir de la bonne musique et d'une cuite mémorable!

Bienvenue dans l'univers de ce groupe vraiment pas comme les autres qui tient son nom de William Burroughs et qui boudait la scène quand sa musique jazzée faisait des malheurs dans les palmarès des années 70. Aujourd'hui, Fagen, Becker et leurs très compétents compagnons de route remontent sur scène bon an mal an pour jouer cette musique joyeuse et sophistiquée qui, heureusement pour eux et leur public, n'a pas pris une ride.

Bien sûr, l'essentiel de leur répertoire remonte à quelques décennies. Ils ne s'en cachent d'ailleurs pas et on ne saurait le leur reprocher quand on se souvient de leur tout premier concert montréalais au Festival de jazz de 2008 au cours duquel ils nous avaient privés de trop de chansons qu'on voulait entendre.

Ce soir, ils les ont toutes jouées, ou presque, de Rikki Don't Lose That Number et Reelin' In The Years à une Show Biz Kids bellement jazzée en passant par Dirty Work confiée aux voix des Danettes en remplacement de David Palmer qui a quitté Steely Dan il y a une éternité. Becker a eu droit à sa chanson, Daddy Don't Live In That New York City No More, et on nous a même réservé la surprise d'une reprise de Joe Tex pendant laquelle le guitariste a présenté les musiciens.

L'imperturbable Donald Fagen avait l'air franchement étonné de la chaleur et de l'enthousiasme de ce public d'un soir. Ce n'était pourtant qu'une réaction naturelle à un concert d'une telle qualité.

En première partie, on a fait connaissance avec le Bobby Broom Organi-Sation, un trio guitare-orgue-batterie qui reprend à la manière jazz du Fats Waller, mais aussi du Stevie Wonder et du Eric Clapton. Ce très bon public a si bien accueilli les trois hommes qu'on se serait cru au Festival de jazz.