L'ouragan Angélique Kidjo s'amène et ne faiblira pas en touchant le continent. La chanteuse et militante vient de publier ses mémoires et elle sort mardi prochain son album Eve, en hommage aux femmes africaines.

Elle court toujours, Angélique Kidjo. En plus de 40 ans de scène - il faut bien compter sa participation à la troupe de théâtre de sa mère à 6 ans et ses débuts dans la chanson à l'âge de 9 ans -, l'artiste n'a jamais levé le pied ni baissé la voix.

Celle qui voulait faire carrière comme «avocate en droits de l'homme» est devenue, dans les faits, l'infatigable pasionaria de la cause des enfants, des femmes et, bien entendu, de l'Afrique.

Voilà le carburant de sa passion inextinguible. Angélique Kidjo mord l'injustice dès qu'elle se montre le bout du nez.

«L'histoire est racontée par ceux qui nous ont réduits à l'esclavage, soutient-elle. Le travail ne sera pas fini tant que ceux-là ne reconnaîtront pas leurs crimes.»

Son nouvel album, Eve - du prénom de sa mère -, se veut d'ailleurs un hommage à la résilience et à la beauté des femmes africaines qui continuent à souffrir d'injustices de toutes sortes.

«Mais la lutte des femmes est la même partout dans le monde. Qu'ils le veuillent ou non, les hommes devront se rendre compte que, sans les femmes, ils ne peuvent pas exister.»

Elle pourrait paraître agressive, l'Angélique chanteuse, dit comme ça. Mais ce serait passer sous silence son tout aussi grand sens de l'autodérision. «Je sais que je ne suis pas facile à vivre», dira-t-elle plusieurs fois en entrevue.

Sur son CD, pas de bisbille hommes-femmes, toutefois. Mme Kidjo est retournée en Afrique pour y recueillir des sons traditionnels qu'elle a retravaillés, y apposant sa marque de commerce.

Dans sa cuisine, les hommes sont aux fourneaux - les musiciens Lionel Loueke, Christian McBride et Steve Jordan, entre autres -, pendant qu'au salon, la voix et les paroles des femmes dominent - neuf chorales féminines ont participé à l'enregistrement.

Garçon et fille

Le volcan Kidjo ne se taira pas, mais il trouve un nouvel équilibre avec Eve, une paix propre à la musique. En fait, toute sa carrière musicale et sa vie se sont déroulées sur un fil, entre yin et yang.

Selon les croyances au Bénin, son pays d'origine, la chanteuse aurait dû naître garçon, son ancêtre protecteur étant un homme.

«Le Bon Dieu a dit à mes parents: vous m'avez assez cassé les oreilles avec un garçon, je l'ai commencé comme tel. Vous devez la prendre ainsi!», rigole la chanteuse au téléphone depuis son domicile new-yorkais.

Son autobiographie, Spirit Rising. My Life, My Music, nous apprend aussi que Mme 100 000 volts doit tout à cette famille africaine moderne: l'énergie d'une mère forte «sans une ride à 87 ans» et la force tranquille d'un père qui a tenu à envoyer ses filles à l'école.

La frêle jeune fille tâte très tôt des planches. Elle chante, elle danse et devient vite une star au Bénin. La situation politique - un gouvernement communiste oppressif - la contraint toutefois à l'exil à Paris en 1983.

«Mes parents étaient inquiets. Mais je leur ai dit que j'accepterais le plus humiliant des métiers s'il le fallait, mais que je ne deviendrais jamais prostituée. Ça les a rassurés», dit-elle.

L'ambassadrice de l'UNICEF, qui a côtoyé les grands de ce monde, de Mandela à Obama en passant par les Bono, Peter Gabriel et James Brown, ne rangera jamais sa désarmante franchise au placard.

En France, au début des années 80, elle étudie le jazz et rencontre Jean Hebrail, celui qui allait devenir son mari et le père de leur fille, Naïma (21 ans). Après toutes ces années, leur amitié reste des plus solides.

Angélique Kidjo s'est ensuite installée à New York en 1998 pour mener à bien des recherches sur l'esclavage, elle qui avait été marquée par la réalité de l'apartheid en Afrique du Sud, encore enfant. Elle y est restée, aidée en cela par la reconnaissance d'un prix Grammy en 2007.

«Je me suis rendu compte, à travers la musique d'abord, que les Noirs d'Amérique et d'Afrique partagent la même histoire, les mêmes identités et les mêmes douleurs des deux côtés l'océan. Cette cause me porte toujours, s'enflamme-t-elle, car on ne nous laisse jamais oublier la couleur de notre peau.»

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