Dénonciation de la violence ou utilisation complaisante de la violence? Le clip que Xavier Dolan a tourné pour la chanson College Boy du groupe français Indochine suscite la controverse de l'autre côté de l'Atlantique. Pendant que ses détracteurs l'accusent de banaliser la violence ou de vouloir se faire de la publicité, le réalisateur contre-attaque en disant qu'il veut plutôt dénoncer l'intimidation et l'intolérance. College Boy vient s'ajouter à une liste de clips sulfureux mis au ban par les chaînes spécialisées.

Devant faire face aux réactions extrêmes suscitées par le clip qu'il a signé pour Indochine, Xavier Dolan a passé la journée d'hier à défendre sa vision et son approche. «J'essaie de parler de ce qui se passe dans le monde et de la manière dont les jeunes sont victimes de violence. Mais je n'en fais pas la promotion», tranche-t-il.

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College Boy, la chanson, ne parle pas directement d'intimidation. Xavier Dolan dit avoir élaboré son synopsis à partir de son interprétation des premières phrases chantées par Nicolas Sirkis: «J'apprends ici que ma vie ne sera pas facile/Chez les gens/Je serai trop différent pour leur vie si tranquille.»

«Tout de suite, j'ai vu un jeune homme dans une école, qui se fait tabasser, raconte le jeune réalisateur. Pour moi, il est comme les autres: un jeune étudiant qui a l'air en santé, beau, mais qui est pris pour cible par une meute, parce qu'on vit dans une société qui fonctionne en meute.»

Son calvaire commence d'une manière banale: il reçoit une boulette de papier derrière la tête. Puis d'autres. Et ce n'est que le début d'une spirale d'humiliations et de violence. Sa crucifixion, en pleine cour d'école, n'est même pas le point culminant de ce clip aux images crues tourné comme un court métrage.

Dénoncer, pas banaliser

Xavier Dolan a été un peu pris de court par la controverse: il a pratiquement été tiré du lit pour s'expliquer à une émission de radio. Ce n'était que la première étape d'une «grosse journée au bureau» pour le réalisateur qui a insisté sur toutes les tribunes pour dire qu'il n'avait pas «banalisé la violence». Ni dans ses cadrages ni dans sa mise en scène.

Son College Boy vise exactement le contraire: mettre l'oeil qui regarde face à cette violence qui existe et qui, elle, est banalisée. Des séquences montrent d'ailleurs très clairement l'aveuglement volontaire des autorités scolaires, des collègues de classe et même de la police devant ces agressions perpétrées dans les cours d'école.

«Ce n'est pas juste sur l'intimidation, précise par ailleurs le réalisateur. C'est vraiment sur la violence et l'intolérance.» Il avoue avoir du mal à comprendre qu'on lui reproche une violence «équivalente ou même inférieure» à la plupart des films qui prennent l'affiche.

«Il est impossible, même pour un enfant de 7 ans qui n'a aucun jugement ou pour un vieillard de 77 ans qui est devenu sénile, de regarder ce clip sans avoir un parti pris pour le jeune héros qui est intimidé, fait-il valoir. C'est comme ça que le clip a été construit.»

Il ne comprend pas non plus que des chaînes qui diffusent «à coeur de jour» des clips où les femmes sont traitées en objets, sinon carrément comme des «putes», se montrent soudain frileuses devant son clip à lui. Si ses images choquent parce qu'elles ressemblent trop à la réalité, c'est de la réalité qu'on devrait s'inquiéter, suggère-t-il.

Violence gratuite

Des clips où la violence est gratuite, il en existe. Xavier Dolan cite d'ailleurs en exemple celui de la chanson Fade Away de Vitalic, où les porteurs d'une même mallette sont tour à tour froidement assassinés sans que le spectateur comprenne vraiment pourquoi. «Quel est le motif de cette violence-là?», demande le réalisateur.

«Je ne veux pas être démagogue et dire que c'est une violence inutile, précise-t-il. Si c'est ce qu'ils veulent illustrer dans leur clip, pas de problème. Moi, mon motif est clair.»

MusiquePlus a confirmé à La Presse que College Boy ne sera pas mis en rotation s'il lui est soumis. Un comité d'évaluation auquel il a été présenté de manière non officielle par la compagnie de disques Sony a déjà statué qu'il était «trop violent».