Entre lucidité et message d'amour, le regretté cinéaste originaire de Maniwaki Gilles Carle offre un conte de Noël à mille lieues... des lieux communs. Il aura fallu la patience de sa partenaire et muse Chloé Sainte-Marie et l'adaptation de Marie-Ève Blanchard du conte musical tiré du scénario de 1984 pour qu'Une étoile m'a dit voit le jour, près de 30 ans plus tard.

«C'est un conte hypermoderne, qui était peut-être trop en avant de son temps, en 1984, fait valoir Chloé Sainte-Marie. Dans ce conte, Gilles nous renvoie carrément à nous-mêmes, à cette part de méchanceté que nous portons tous en chacun de nous. C'est son imaginaire, sa folie qui reflète la nôtre et nous invite à la reconnaître...»

Une étoile m'a dit raconte l'histoire de Marie-Noëlle l'orpheline, dont Victor tombe éperdument amoureux en la croisant dans la rue à quelques heures de Noël. Elle cherche un sapin, afin de déposer à son pied le seul cadeau qu'elle désire: une poupée qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau.

L'amour contre l'égoïsme

«En convoitant une poupée à son image, Marie-Noëlle commet le péché de l'idolâtrie, souligne Chloé Sainte-Marie. C'est une jeune femme égoïste, qui découvrira toutefois que l'amour s'avère la seule chose à célébrer.»

Parce que de fil en aiguille, et de rencontre en rencontre (avec les inénarrables Zégoïstes - capables de suavement chanter que Tous les hommes naissent zégo - et avec deux pères Noël, l'un, bon, l'autre, méchant), Marie-Noëlle réalisera que «seul l'amour est capable de vaincre l'égocentrisme en chacun de nous». «Le mauvais père Noël a bien compris, lui, justement, comment il peut contrôler les employés de son usine en misant sur leur égoïsme», précise Chloé Saint-Marie.

«En fait, Gilles nous dit que le mal est nécessaire, qu'il peut y avoir du bon dans ce qui est mal, qu'on ne peut survivre dans la société sans être bon et mauvais: les deux pôles se complètent. Il nous dit surtout que l'essentiel, l'amour, la chaleur humaine, l'honnêteté, ne s'achète pas et qu'il faut avoir l'humilité de reconnaître nos faiblesses pour nous connaître et aller à la rencontre des autres», renchérit-elle.

Quant à ceux qui prêtent leur voix aux personnages, ils se sont imposés d'eux-mêmes.

«Yves Lambert, en bon père Noël, ça allait de soi, autant que Bernard Adamus dans celui du mauvais, soutient Chloé Sainte-Marie. Gilles n'a pas connu Adamus, mais quand je l'ai vu, j'ai tout de suite su que Gilles l'aurait aimé. Ils ont tant en commun, notamment leur humour un brin sarcastique!»

Les musiciens et chanteurs du Vent du Nord, Éloi et Jonathan Painchaud, Yves Desrosiers, La Bande Magnétik, Émile Proulx-Cloutier se sont également greffés au projet, et à l'incontournable complice Réjean Bouchard. «Tous ont un talent unique, à part du commerce. Gilles et moi, on se situe là, aussi», renchérit Chloé Sainte-Marie.

L'Ave Maria: une pièce-clé

L'Ave Maria d'Une étoile m'a dit demeure, au coeur de la principale intéressée, «la pièce-clé» du conte. «Je voulais dépasser les versions connues de Gounod et Schumann, en inscrivant ce chant dans le territoire québécois et dans sa multiethnicité.»

Sur la mélodie de Franz Schubert et les arrangements de François Guy, il est donc possible d'entendre du latin, de l'innu et le langage du poète Claude Gauvreau, grâce à des extraits de Jappements à la lune et Les Boucliers mégalomanes.

«Je rêve de chanter Gauvreau depuis longtemps, fait valoir l'interprète. Et je sais que d'accoler la vision laïque des automatistes au latin et à la langue innue, en une sorte d'hybridation terrible, passera pour un blasphème pour certains. Mais c'est un beau blasphème, puisqu'il permet de s'ouvrir à autre chose!»

Car si Chloé Sainte-Marie confie ne pas avoir la foi chrétienne, elle déclare la foi. «En quoi? Je ne sais pas, mais je crois. Entre autres à l'ouverture à l'autre.»

C'est pourquoi elle tenait à faire de cet Ave Maria une oeuvre prouvant «à quel point le sens des prières dépasse leur seul message, clame-t-elle. L'incantation passe aussi par les sonorités de Gauvreau, auxquelles chacun peut donner le sens qu'il veut, justement.»

Pour chanter cet Ave Maria, il lui fallait donc quelqu'un de spécial. «Le seul qui pouvait chanter ça, c'est Florent Vollant.»

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CONTE MUSICAL

CHLOÉ SAINTE-MARIE

UNE ÉTOILE M'A DIT

GSI MUSIQUE