D'aucuns estiment que ce Montréalais né en Haïti, chanteur, guitariste, compositeur, réalisateur, leader d'orchestre, de surcroît bête de scène, a tout pour exploser sur les scènes du monde. Révélation de la Société Radio-Canada en 2008, premier prix au festival Babel Music en 2009, Wesli vient de lancer son deuxième album... et n'a pas le soutien qu'il mérite.

Wesley Louissaint est issu de la pauvreté urbaine d'Haïti, il a grandi dans un quartier misérable de Port-au-Prince avant que sa famille n'accède à un voisinage plus acceptable, quoique très modeste. Heureusement, les carences économiques sa condition ont été compensées par une famille aimante et équilibrée, qui a fait tous les sacrifices pour lui donner une bonne éducation - plus précisément le lycée Alexandre Pétion, situé au centre de la capitale.

Au sortir de cette école où il apprit le trombone et le solfège, Wesley savait que la musique serait toute sa vie. Rapidement, il s'est taillé une bonne réputation de chanteur et guitariste, au point de décrocher des contrats à l'étranger. Ce qui lui a d'ailleurs permis d'émigrer au Québec il y a une dizaine d'années.. Après avoir fait dans le rara et la musique troubadour, c'est à Montréal que Wesley est vraiment devenu Wesli, c'est-à-dire qu'il y a construit son identité musicale: mélange contagieux et exigeant de musiques haïtiennes, reggae, ska, afrobeat, funk, soul, hip hop, rock et même rigodon!

À Montréal comme partout dans l'univers du global sound, Wesli est le seul à avoir réussi telle mixtion.

En témoignent l'album Kouraj et ce tout récent Liberté dans le noir, deuxième album que Wesli espère être le vrai déclencheur.

«Cette production, confie-t-il, m'a coûté 36 000$, ce n'est pas énorme mais j'ai tout payé de ma poche, sans avoir obtenu une seule subvention.  À Espace Musique, cependant, on m'a prêté le Studio 12 de Radio-Canada pour deux jours, ce fut le seul don et j'en suis très reconnaissant. Mais... encore aujourd'hui, je n'ai pas de manager. Les gens du festival Musiques Multi-Montréal m'aident à tourner et structurer mon organisation. Or, je n'ai pas cette organisation qui me permettrait de tourner dans le monde. C'est beaucoup trop pour moi seul.»  

La reconnaissance, les prix, le talent évident ne suffisent-ils pas?

«J'ai eu la chance d'être sélectionné comme Révélation Radio-Canada (2009-2010) et d'avoir remporté le premier  prix du Babel Med Music à Marseille (2010). Malheureusement, ça n'a pas eu l'impact escompté sur ma carrière à l'étranger, car personne ici n'a voulu développer ce marché jusqu'à maintenant. Personne n'a voulu sauf Marc Labelle qui était manager de H'Sao et... qui a dû abandonner mon dossier pour des raisons personnelles. Là, j'ai quand même d'autres avenues: le label new-yorkais Shanachie, par exemple, est très chaud pour mon nouvel album.»

La machine de notre homme, il faut dire, est assez lourde à déplacer: le Wesli Band compte trois instruments à vents, deux choristes, guitares, claviers, basse, batterie. Et, franchement, il ne pourrait en être autrement.  Depuis la sortie de son album Kouraj, Wesli a tourné au Québec et dans certaines régions du Canada, la pâte a levé bien assez pour qu'il passe à la prochaine étape: l'international. Si cela venait à se produire, Wesli serait la première vraie vedette montréalaise de la sono mondiale, du global sound.

Ce qui n'exclut en rien les affinités avec la souche locale: Danse Baila Danse, troisième des 17 chansons de Liberté dans le noir, résulte d'une collaboration étroite avec le groupe Mes Aïeux.

«Nous avons mélangé le rigodon avec du ska. Nous y avons ajouté des éléments électroniques. Outre les instruments de mon groupe, on trouve du violon, de l'harmonica, des cuillères. Les membres de  Mes Aïeux me sont très sympathiques et respectueux. Après tout, il y a peut-être quelque chose de commun entre la musique racine haïtienne et la musique racine québécoise.»

Liberté dans le noir, en fait, se veut un album inclusif. Et ce, d'un point de vue afro-montréalais.

Waya Waya, que les mélomanes considéreront comme la  pièce-maîtresse de Liberté dans le noir, met en relief la participation du groupe acadien Radio Radio. «Ça a été super cool! s'exclame Wesli. Le chiac de Radio Radio me rappelle le créole urbain de ma jeunesse haïtienne. Ainsi, j'ai voulu que les gars expriment un chiac revendicateur, et qui se fond dans un afrobeat très rapide et très exigeant pour mes musiciens. Ça nous a pris des heures avant de le jouer comme il le fallait. Mais je pousse mes gars, Je compte bien continuer à faire monter le niveau de complexité. Je n'ai pas peur de le faire! Même si c'est complexe, difficile à digérer, je le fais pareil.»

Par ailleurs, le rapper montréalais Karma Atchykah et l'auteur-compositeur-interprète Paul Cargnello, ont oeuvré à la chanson Peace. «Ce sont de bons amis! Et Paul Cargnello aime la vieille soul, il se sentait bien dans cette chanson sur la paix où chacun était libre d'en exprimer sa propre conception.»

Le dessert? Servi en apéro: Colonisation, première chanson au programme, accueille celui qui pourrait contribuer à faire bouger les choses pour de vrai :

«Tiken Jah Fakoly m'a fait la faveur d'y chanter sur mon album, on a fait dans le roots reggae.

Je l'ai connu personnellement à l'Olympia (de Montréal), en mars dernier, lorsque j'ai fait sa première partie. Lorsque je suis sorti de scène, il était très enthousiaste. Il  avait vraiment aimé mon spectacle et ma musique, il a exprimé le souhait de faire quelque chose avec moi. Nous avons ensuite travaillé sur l'idée de sa collaboration. Une fois en Afrique, il a enregistré sa contribution que j'ai ensuite intégrée à la chanson Colonisation

Alors? Outre Tiken Jah et les potes artistes de Montréal, qui fera en sorte que Wesli triomphe sur cette petite planète?