Direction nord-ouest. Sept heures de route, 630 kilomètres de distance. Direction Rouyn-Noranda, là où démarre ce jeudi le Festival de Musique Émergente en Abitibi-Témiscamingue, soit le plus couru des happenings du genre produits en région éloignée. Au programme: rock indé, psych folk, hip hop, électro, instrumental, métal. En fait, rien à voir avec les événements consensuels majoritairement présentés hors de Montréal et sa périphérie.

Pour une neuvième année, ce festival présentera plus d'une soixantaine de groupes et artistes, de Malajube à Marie-Jo Thério en passant par Galaxie. L'inédit figure aussi au programme, à commencer par le groupe canado-scandinave Thus: Owls mené par le couple Angell: Erika, chanteuse de Stockholm, et Simon, guitariste bien connu pour sa participation au groupe de Patrick Watson.

La proposition artistique du FME est majoritairement d'expression francophone. On y observe néanmoins la présence marquée d'artistes anglo-montréalais, sans compter ceux du Rest of Canada, des États-Unis ou du monde anglo-saxon en général.

Originaire de Rouyn-Noranda, résidant de Montréal (entre autres parce qu'il est manager de Karkwa), cofondateur du FME, Sandy Boutin en résume la trajectoire: «Au début, nous voulions aller vers la découverte pure. Ça reste important mais... Depuis quelques années, nous cherchons à trouver l'équilibre entre l'émergence et ce qu'il faut continuer à défendre. Par exemple, faire en sorte que Sunny Duval ou Jérôme Minière aient encore notre soutien.»

La découverte totale demeure néanmoins à l'ordre du jour au FME. Sandy Boutin cite en exemple Salomé Leclerc qui lance son premier album au FME, sans compter des artistes encore inconnus en Abitibi-Témiscamingue: «DJ Brace roule sa bosse et commence à peine à lever à Montréal, voilà l'occasion de le faire découvrir en région. Canailles, qui a fait la finale des Francouvertes, est au début de l'aventure. Pat Jordache, nouvelle signature chez Constellation, a déjà commencé à tourner un peu partout. Parmi mes plus belles prises, je retiens d'abord Thus: Owls.»

L'an dernier, le FME a recensé 17 000 entrées au total, avec un taux d'occupation en salle de 97%. Ses organisateurs estiment qu'entre 5000 et 6000 personnes assurent cette présence. Réalisé il y a deux ans,le dernier sondage réalisé par une firme indépendante (sous la direction d'Yves Déziel) révèle que 30% du public du FME provient de l'extérieur de Rouyn-Noranda et sa périphérie, dont 24%... de Montréal!

«Pourquoi y vient-on de si loin? Parce que nous misons sur la proximité et la convivialité. Sur les 14 lieux investis par le FME, on compte surtout des salles de 150 à 200 places... Alors? Si l'éloignement de Rouyn est un désavantage pour attirer les groupes et les fans, il devient un avantage une fois qu'ils y sont rendus; ils y passent plus de temps qu'à un autre festival et les artistes sont plus enclins à assister aux spectacles de leurs collègues.»

Et qui détermine le contenu du FME? Sandy Boutin explique: «Mon associée Jenny Thibault (qui travaille à l'ONF) et moi-même sommes originaires de Rouyn. Le producteur Pierre Thibault (du label  montréalais C4) travaille avec nous depuis les débuts. En ce qui a trait aux genres métal et hip hop, nous avons des partenaires de Rouyn-Noranda qui alimentent ces scènes l'année durant et qui le font au FME: Steve Jolin (Anodajay), rapper et promoteur, ainsi que Ian Campbell, très respecté dans le milieu métal. Depuis quelques années, par ailleurs, le Piknic Électronik de Montréal nous prépare aussi un événement.»

Question de donner une petite saveur internationale à l'événement, quelques formations étrangères sont annuellement invitées au FME. La délégation américaine, par exemple, se compose d'Hanni El Khatib ainsi que des groupes Secret Chiefs (qui sera lundi au Cabaret du Mile-End) et Akron Family.

«Produire un groupe américain à Rouyn, fait observer Sandy Boutin, c'est encore un combat mais... ceux qui acceptent l'invitation en repartent ravis. Jon Spencer, par exemple, y est venu avec sa famille, on l'a emmené en forêt, il a trippé fort. Marc Ribot a aussi beaucoup apprécié le passage et ça nous a ouvert beaucoup de portes.»

Cette proximité attire aussi les professionnels de la musique, particulièrement ceux de la francophonie européenne: «On compte une trentaine de programmateurs et journalistes. Les Eurockéennes de Belfort, PaléoFestival de Nyon, Nuits Botaniques et Vieilles Charrues y ont entre autres été représentés. Libération, le Figaro, les Inrocks sont sont aussi venus au FME. Rue 89 y sera cette année» , indique notre interviewé.

On aura saisi que Rouyn-Noranda devient un microcosme de musiques populaires alternatives que fait mousser le FME par différents moyens, tels un magazine quotidien tiré à 500 exemplaires et une radio éphémère que l'on peut capter au  91,9 FM.

Pour arriver à ses fins, le festival compte sur un modeste budget de 550 000 $ avec bouquet de services assortis. À ce titre, Sandy Boutin estime exploiter cette somme jusqu'au dernier rond: «Je mets quiconque au défi d'en faire autant avec si peu.»

Ce week-end, Abitibi rime avec indie.

Le Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue est présenté jusqu'à dimanche à Rouyn-Noranda. Pour infos : https://www.fmeat.org/