La reine du punk-rock chinois Kang Mao joue avec son collier de fausses perles et son écharpe à motifs peau de léopard tout en esquivant les questions du journaliste, avant un concert en l'honneur des femmes.

Chanteuse du groupe SUBS, qui a quatre albums à son actif, Kang Mao est l'une des premières femmes en Chine à la tête d'un groupe de musique punk.

Ses quatre membres - Kang Mao et trois hommes - ont entamé début mars une tournée de 22 villes de Chine en 37 jours, y compris à Hong Kong, où ils se produiront dans des petits clubs et bars.

«Je suis toujours une fille», dit-elle d'un air narquois à l'AFP en marge d'un concert à Pékin pour la Journée internationale des femmes le 8 mars, «ne dites pas de moi que je suis une femme».

«Ce soir on joue sans distorsion, propre, que de la guitare acoustique», annonce-t-elle, ajoutant que le groupe se produit avec des «instruments en bois», ou «muqin», homonyme en chinois de «mère».

Kang Mao, nom de scène signifiant «chat combattant», refuse de révéler son vrai nom, son âge et sa ville d'origine. Elle a probablement une petite trentaine. Elle assure qu'elle vient de la planète Mars.

Apparu dans la deuxième moitié des années 80 en Chine avec l'emblématique Cui Jian, le rock'n'roll a dû naviguer entre les écueils d'une censure implacable, un manque de soutien sur les ondes contrôlées par l'État et un piratage très répandu.

Pourtant de plus en plus de jeunes Chinois se mettent à la guitare et à la batterie et un nombre croissant de femmes sont devenues chanteuses de groupes rock.

«Nous sommes en promotion pour notre dernier album Queen of Fucking Everything, explique Kang Mao, un titre délibérément provocateur avec le mot «fuck».

«Je crois qu'on va gagner un peu d'argent avec cette tournée. Combien, dur à dire, mais je peux vous annoncer que SUBS ne perd plus d'argent», assure entre deux lampées de bière Kang Mao, qui a récemment abandonné sa coiffure mohican pour une coupe plus passe-partout.

Mais le groupe, fondé en 2003, continue de mener une vie spartiate. En tournée, il emprunte les autocars publics et les trains, quittant parfois la ville dès la fin du spectacle et arrivant à la prochaine étape tôt le lendemain matin afin d'économiser la facture de l'hôtel.

De plus en plus de groupes de rock chinois font des tournées dans ce vaste pays après s'être fait un nom à Pékin, le berceau du rock chinois, qui compte une dizaine de scènes musicales et plusieurs festivals d'été.

«Pékin est l'endroit le plus évident pour jouer du rock parce que la capitale est la plus ouverte aux nouveaux courants musicaux et artistiques», lance Wang Jing, la chanteuse de Bigger Bang, un groupe qu'elle a cofondé en 2008 et dont le nom est celui de l'un des meilleurs albums des mythiques Rolling Stones.

Wang, 27 ans, qui arbore le mot anglais «ENDURE» («endurer») tatoué au travers de la gorge, est originaire de la ville méridionale de Canton, où elle a appris la musique dans un institut spécialisé.

«Mais il faut que vous aimiez la musique, vous devez jouer pour le plaisir», dit-elle avant de monter - vêtue d'une veste et de collants rose fuchsia - sur la scène du concert de la Journée des femmes et interpréter le morceau punk-funk Cry of Youth, le succès de Bigger Bang.

Le groupe vient de signer un contrat pour la sortie de son premier album.

«Je crois que l'avenir du rock'n' roll en Chine est radieux», lance Wang Hui, chanteuse des Chinese Hellcats, un big band de huit musiciens qui jouent les grands classiques du jazz et du rythm'n'blues.

«On est optimiste pour l'avenir, mais vous ne pouvez pas jouer du rock pour de l'argent. C'est pour rendre les gens heureux», dit-elle.

Cette femme toute menue de 33 ans, originaire de la province du Sichuan, est l'épouse de Wang Jian, le guitariste à la fois des Hellcats et de Brain Failure, le groupe punk le plus connu de Chine.