Il a connu son heure de gloire avec César et les Romains. Puis il a disparu de la carte. Oublié depuis près de 40 ans, Donald Seward refait surface. Réédition en funk majeur.

«Les gens pensent trop souvent que le rock des années 60 au Québec se limite à des groupes costumés et des reprises des Beatles. Mais il y a aussi plein de petits bijoux à redécouvrir. Avec mon label, je veux montrer que notre musique était aussi valable que ce qui se faisait ailleurs. Dans ce sens-là, Donald Seward était pour moi une très bonne carte de visite.»

 

Blogueur acharné (ventedegaragepodcast.blogspot.com) et fondateur de la toute nouvelle étiquette Pluton, Félix Desfossés semble assez fier de sa première sortie de disque. Avec raison, puisque cette réédition (en MP3 et en 45 tours) nous permet de redécouvrir un musicien qu'on avait peut-être jugé trop vite.

Car Donald Seward ne fut pas seulement l'organiste du mythique groupe yéyé César et les Romains. Il a aussi connu une courte, mais non moins étonnante carrière solo, qui s'est soldée par deux albums de musique groove instrumentale lancés au début des années 70.

À l'époque, ces disques étaient complètement passés dans le beurre. On considérait encore Donald Seward comme un gros quétaine, tout juste bon à jouer Splish Splash en jupette et en sandales. Mais il était pourtant beaucoup plus qu'un yéyé «passé date». Avec Gerry Boulet et Nicky Lee, il était un des rares organistes blancs du Québec à jouer du soul et du rhythm'n'blues comme un Black.

Les trois étonnantes pièces relancée par les disques Pluton (Mongo's boogaloo, Studio B funk et Do-ré-mi-fa-soul) en sont la preuve. Plus Jimmy Smith que Lucien Hétu, Seward révèle un aplomb et une «funkitude» qu'on ne lui soupçonnait pas.

«Depuis mes débuts à Rouyn, j'avais toujours eu cette base rhythm'n'blues, explique l'ancien musicien, joint au téléphone. Mais j'avais mis ça de côté parce que le yéyé était plus payant.»

Des shorts sous les jupettes

La suite sera hélas moins payante pour Donald Seward. Car sa carrière solo ne décollera jamais vraiment. Après l'échec carabiné de ses deux albums, le claviériste lancera une étiquette de disques sans succès (Volt) avant de s'acheter un bar-salon à Marieville, où il se produira régulièrement avec les Three Much, un trio spécialisé dans le top 40

Miné par la pègre locale, l'établissement finira par fermer et Donald par décrocher définitivement de la musique, se recyclant en agent d'assurances au milieu des années 70. «J'avais 30 ans. Je roulais ma bosse depuis l'âge de 16 ans. Le contexte avait changé. Je venais d'avoir mon deuxième enfant. Un de mes amis m'a suggéré de prendre un vrai emploi!» résume-t-il.

Trois décennies plus tard, Seward ne semble pas trop s'ennuyer de la vie artistique. Et surtout pas des Romains, dont il parle aujourd'hui avec une étonnante lucidité. Oui, il a fait de «l'argent facile» avec le yéyé. Mais il ne regrette ni la dynamique de groupe, où «tout tournait autour du chanteur (Dino L'Espérance)», ni le piège commercial dans lequel la formation s'était fait prendre.

Paradoxalement, il assume pleinement les fameux costumes de Romains imposés par leur producteur pour concurrencer les Classels. C'était, dit-il, une «combinaison gagnante». «Notre seule crainte, c'était qu'on nous prenne pour des homosexuels.» À l'entendre, cela n'empêchait pas les groupies de vouloir lever leur jupette. Mais les gars avaient pensé à tout. «Sous nos jupes, on avait des shorts de la même couleur!»

À 66 ans, Donald Seward est aujourd'hui propriétaire d'un gros cabinet d'assurances à Brossard. Il a vendu son orgue et n'a pas vraiment retouché au clavier depuis. Mais maintenant que sa business roule et qu'il est proche de la retraite, il n'exclut pas l'idée de refaire un peu de blues et, qui sait, de donner quelques performances ici et là.

Remettra-t-il sa jupette et ses sandales? Permettez qu'on en doute. Ses clients ne le prendraient plus au sérieux.

Infos: lesdisquespluton.com