Ecrite par une Australienne, une biographie d'Édith Piaf s'efforce de porter un regard neuf sur cette icône française, fascinée par la poésie et la philosophie, loin des stéréotypes qui voient en elle une artiste portée à l'autodestruction.

Dans Je ne regrette rien - La vie d'Édith Piaf (No regrets - The life of Edith Piaf), Carolyn Burke s'est notamment penchée sur une centaine de lettres que la chanteuse envoya à son ami et confident, Jacques Burgeat, conservées à la Bibliothèque Nationale de France et consultables depuis peu.

Jusqu'à sa mort, Édith Piaf confia à son «Jacquot», comme elle le surnommait, les envies et les tourments de son existence. «Ces lettres révèlent des aspects d'Édith Piaf que nous n'aurions jamais pu connaître», déclare la biographe lors d'un festival des écrivains à Sydney.

«On sent son désir d'être instruite, de progresser. On découvre sa construction émotionnelle et spirituelle, parce qu'elle voulait étudier non seulement la poésie, mais aussi la philosophie», ajoute-t-elle.

Cette correspondance révèle la tendre amitié qui unissait l'homme de lettres, Jacques Burgeat, à la jeune femme, issue d'un milieu misérable. Il guidait ses lectures et l'aidait à améliorer son français.

«Elle se met à lire Rimbaud, Baudelaire, Platon... C'est très émouvant de découvrir tout ça», note l'écrivain.

«Je lisais les lettres d'Édith Piaf, je voyais ses fautes d'orthographe, de grammaire. Elle lui disait des choses comme "je fais des progrès, n'est-ce pas?" "C'est une meilleure lettre, non?" Il l'aidait à parler un bon français», souligne Mme Burke.

Les échanges épistolaires entre Piaf et Burgeat, qui n'étaient pas amants, ont duré 25 ans et constituent, selon Carolyn Burke, «la meilleure source parmi toutes pour connaître en profondeur la personnalité et le cheminement de l'artiste».

Piaf a commencé à écrire des textes peu de temps après avoir rencontré Burgeat dans un cabaret de Paris. Selon Carolyn Burke, ce sont notamment ces échanges qui ont donné suffisamment confiance à Piaf pour écrire.

«Que cette femme, qui n'avait reçu aucune éducation, qui venait vraiment du ruisseau, du plus bas de l'échelle, ait réussi à faire ce qu'elle a fait avec autant de générosité, me fascine», explique l'Australienne.

Près de 50 ans après sa mort, en octobre 1963 à l'âge de 47 ans, la Môme Piaf continue d'inspirer des chanteuses aussi différentes que Martha Wainwright ou l'excentrique Lady Gaga, et à avoir des fans dans le monde entier.

Née en Australie, Carolyn Burke a contracté une passion pour Piaf, lorsqu'étudiante à Paris, elle fût bouleversée par la puissance de sa voix et la beauté de ses textes.

Épinglée par une partie de la critique pour ses impasses sur les amours tumultueuses de la chanteuse, ses liens avec les milieux du banditisme ou encore sa dépendance aux médicaments, la biographe revendique son regard bienveillant.

Selon Carolyn Burke, il est temps d'avoir un jugement plus clément sur la vie d'une femme aux charmes infinis, dont une voix envoûtante émise d'une si frêle silhouette.

Elle estime que la vie tumultueuse d'Édith Piaf a suscité beaucoup de récits exagérés ou injustes, bourrés de stéréotypes, qui la représentent comme «cette pauvre petite chose qui s'autodétruit».

L'auteur met au contraire l'accent sur la volonté de la Môme, ses actions pendant la Deuxième Guerre mondiale, comment elle a hébergé des amis juifs et chanté des textes composés par des juifs, contrairement aux ordres allemands.

Elle dit vouloir rappeler au monde et à la France que Piaf était une artiste d'un talent, d'un courage et d'une résistance extraordinaire, compte tenu de tous les obstacles et chagrins qui ont ponctué sa vie.

«Il est peut-être temps qu'en France, on porte un nouveau regard sur Piaf. Et ce serait bien, si c'était une Australienne qui y parvenait», glisse-t-elle avec malice.