(Cracovie) Le jury du plus prestigieux des prix littéraires français, le Goncourt, a propulsé en finale mercredi quatre écrivains qui étaient régulièrement cités parmi les favoris, avec des romans ambitieux chacun à leur manière.

Les heureux élus, a annoncé l’Académie Goncourt depuis Cracovie en Pologne, s’appellent Jean-Baptiste Andrea, Gaspard Kœnig, Éric Reinhardt et Neige Sinno.

Le prix Goncourt est décerné le 7 novembre au restaurant Drouant, dans le quartier de l’Opéra à Paris, comme le veut la tradition depuis plus d’un siècle.

Difficile à ce stade de prédire qui fait la course en tête, et qui a ses partisans déjà prêts à le défendre âprement lors de la délibération finale.

Tous ces auteurs ont bénéficié de critiques enthousiastes, qui ont salué la modernité de leurs sujets et de leur style.

Avec Veiller sur elle (éditions L’Iconolaste), Jean-Baptiste Andrea, 52 ans, raconte une histoire d’amour dans l’Italie fasciste, entre une patricienne et un plébéien tous deux épris d’art.

Avec plus de 500 pages, cet écrivain venu du cinéma est le représentant, dans cette finale, d’une fiction ample et de la force d’évocation du roman.

Inspirée de faits réels

Humus (L’Observatoire) de Gaspard Kœnig, 40 ans, imagine des étudiants en agronomie tourmentés par le sombre destin de notre planète.

Connu comme philosophe et essayiste libéral, il a brillamment réussi, de l’avis général, son passage à la littérature, avec cette fiction qui brasse de nombreuses questions cruciales pour notre avenir commun, autour d’un sujet qui paraît excentrique au départ : les lombrics.

Sarah, Susanne et l’écrivain (Gallimard) d’Éric Reinhardt conte la chute d’une femme qui quitte un mari trop absent.

Ce romancier expérimenté de 58 ans a enchaîné les succès, comme l’a prouvé celui au cinéma de l’adaptation de L’amour et les forêts, l’un des évènements du dernier Festival de Cannes. Il lui manque un grand prix littéraire d’automne, auquel se prêterait bien cette fiction inspirée de faits réels, à la forme originale : un dialogue entre un romancier, une lectrice meurtrie, et son double de fiction.

Enfin, Triste tigre (POL) de Neige Sinno est une réflexion sur les viols répétés qu’a imposés à l’autrice son beau-père dans son enfance, les conséquences sur sa vie et les questions que posent ces crimes pour lesquels le violeur a été condamné.

Très peu connue jusque-là, vivant au Mexique, cette autrice de 46 ans pourrait être consacrée après avoir déjà raflé deux prix de la rentrée littéraire remis par des médias, le quotidien Le Monde et le magazine Les Inrockuptibles.

Attention aux autres prix

C’est la deuxième année consécutive, après Beyrouth, que l’Académie Goncourt choisit une ville étrangère pour annoncer ses finalistes. Le choix de Cracovie a suscité moins de controverse que celui de 2022, dans un Liban à la vie politique traversée par les tensions du Proche-Orient.

Pour deviner qui remportera le Goncourt, attention aux autres prix. Remis avant, ils peuvent changer la donne.

Le prix Décembre, le 31 octobre, a choisi Neige Sinno parmi ses quatre finalistes. Quant au Femina, le 6 novembre, il en a cinq, dont Jean-Baptiste Andrea et Neige Sinno.

Or, le président du jury du Goncourt, Didier Decoin, avait énoncé clairement dans la dernière ligne droite de l’édition 2021 qu’il préférait que chaque prix ait son lauréat.

Il défendait alors « nos amis et alliés que sont les libraires », car, ajoutait-il, « si on donne deux prix à un seul livre, ça ne fait qu’un livre dans la vitrine ».