Chaque édition du Festival TransAmériques compte son grand spectacle épique, par son écriture ou son style. Cette année, le festival célèbre le retour de l'un des metteurs en scène les plus importants de notre époque, Ivo van Hove (Tragédies romaines en 2010), avec Kings of War. Shakespeare toujours, mais au coeur du pouvoir, dans un «war room» où l'avenir du monde se décide.

Né en Belgique et établi aux Pays-Bas, Ivo van Hove est un homme du monde. Amsterdam hier, Paris aujourd'hui, Montréal le lendemain, New York le surlendemain. Un opéra un jour et une pièce de théâtre, un autre. Au cours des dernières années, Le metteur en scène a travaillé avec des acteurs comme Michael C. Hall, Juliette Binoche et Jude Law.

Lorsqu'il a parlé à La Presse il y a quelques jours, Ivo van Hove prenait une pause de Boris Goudonov, qu'il met en scène à l'Opéra Bastille - avec 100 personnes sur scène - du 4 juin au 12 juillet, autre histoire de pouvoir tirée d'un poème de Pouchkine mis en musique par Moussorgski. Juste avant, il vient nous offrir son Kings of War, adapté de Shakespeare, créé il y a trois ans à Amsterdam.

«Le pouvoir et son utilisation sont les questions centrales de notre temps. Partout dans le monde, les leaders, rois, présidents, ministres ne savent pas comment résoudre les problèmes de notre temps. On voit partout des hommes et des femmes enragés, comme en Angleterre avec le Brexit et aux États-Unis avec Trump.»

«Le monde éprouve des problèmes de leadership et avec la religion qui a repris une place importante dans notre société. Un nouvel art du leadership est devenu une nécessité.»

Rien de mieux que Shakespeare pour y réfléchir. Le metteur en scène réputé a rassemblé, en un feuilleton de 4 heures 30, les trois rois shakespeariens que sont Henri V, Henri VI et Richard III.

«Shakespeare nous offre toujours des informations et nous fait vivre des émotions sur le pouvoir. De plus, Henri V est jouée rarement, Henri VI jamais et Richard III, beaucoup!»

Rois différents

Historiquement, il s'agit de trois monarques guerriers très différents; le premier étant probablement le plus sain des trois, le deuxième très religieux et le troisième, un fou du pouvoir absolu.

«C'est pour moi un panorama, une fresque des possibilités de visions du pouvoir. À partir de là, c'est au spectateur de faire un choix, de réfléchir à ce que devrait être le pouvoir aujourd'hui.»

Malgré le fait qu'on passe d'un roi - Henri V - reconnu pour ses réformes politiques au sadique Richard III, Ivo van Hove soutient qu'il n'a pas voulu créer un spectacle noir, sombre.

«La vraie fin, après Richard III, c'est la naissance d'un nouveau roi, Henri VII. Ma fin est très ouverte sur le futur.»

Mise en scène

Ivo van Hove a travaillé avec plusieurs acteurs de la même troupe - le Toneelgroep d'Amsterdam - qu'il avait dirigés dans ses Tragédies romaines de Shakespeare. Mais sa mise en scène en diffère totalement, avance-t-il.

«J'avais déjà une idée pour King of Wars quand on a fait Tragédies romaines. J'ai attendu jusqu'en 2015 pour le créer. Avec mon scénographe, Jan Versweyveld, je voulais faire un spectacle différent. Je ne veux pas me répéter afin de découvrir de nouvelles choses sur le plan théâtral.»

Photo Jan Versweyveld, fournie par le FTA

Kings of War 

Le metteur en scène nous place cette fois-ci devant un véritable «war room», là où peuvent se prendre les décisions les plus inhumaines qui soient. Il dit avoir longtemps réfléchi avant de décider, par exemple, d'évacuer les scènes de batailles de Kings of War.

«La guerre est présente, mais comme aujourd'hui, il n'y en a pas beaucoup avec des batailles. On fait des guerres à distance. Trump reste dans sa Maison-Blanche, il ne va pas en Syrie.»

Réflexion politique

Ivo van Hove dit vouloir créer un Shakespeare du XXIsiècle, qui nous interpelle plus que jamais. «Il reste toujours le maître quand on parle de pouvoir et des luttes de pouvoir. Ses personnages sont magistraux.»

Il ne croit pas que le dramaturge anglais voyait le monde tout en noir, malgré ses thèmes récurrents empreints de violence et de cruauté. Mais ce sont des questions auxquelles on se doit de réfléchir aujourd'hui, croit-il.

«Richard III est un personnage extrêmement mauvais. Il célèbre la destruction. C'est attirant, un tel personnage. Il y a du Richard en chacun de nous. Le spectacle est une réflexion théâtrale. Pour les êtres humains, malheureusement, le mal est parfois attirant.»

Et quand Richard monte finalement sur le trône après intrigues, ruses et meurtres, il ne se passe plus rien.

«Il ne sait rien faire. C'est le vide total. Il a besoin d'une guerre pour jouir. Il ne sait pas faire le bien pour la société. Mais moi, malgré tout, je reste optimiste dans la vie.»

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Au Théâtre Denise-Pelletier du 24 au 27 mai, dans le cadre du 12e Festival TransAmériques. En néerlandais avec surtitres français et anglais; 4 heures 30, entracte compris.

Photo Jan Versweyveld, fournie par le FTA

Une scène de Kings of War