Lorsque la CND 2, petite soeur de la Compañía Nacional de Danza, se produira au Festival des arts de Saint-Sauveur, les 3 et 4 août, Nacho Duato ne sera déjà plus le directeur artistique de ni l'une ni l'autre de ces compagnies. Le ministère de la Culture d'Espagne a choisi de le remplacer, après 20 ans de services. On veut du sang neuf, plus de classique...

Nous cherchions Nacho Duato à Madrid. Nous le trouvons finalement à Moscou, où la Compañía Nacional de Danza (CND) se produit dans le cadre du festival de théâtre Anton Tchekhov. La semaine prochaine, la compagnie occupera la scène du célèbre théâtre du Bolchoï. «Ma première tournée à la tête de la compagnie, c'était il y a 20 ans, ici à Moscou. C'est une belle façon de boucler la boucle», avoue Duato, triste, mais résolu à quitter la CND. On ne veut plus de lui? Donc, il part, et tout de suite plutôt que dans un an comme l'aurait souhaité la direction de l'Institut national des arts de la scène et de la musique (INAEM), de qui relève la CND au nom du ministère de la Culture. Et Duato emporte avec lui les droits sur les dizaines de pièces qu'il a créées pour la CND et qui ont forgé la personnalité de la compagnie, dont Jardi Tancat, Por Vos Muero et Txalaparta.

Une «coquille vide»

«C'est 20 ans d'efforts et une compagnie qu'ils s'apprêtent à anéantir; il ne leur restera qu'une coquille vide», déplore Duato, qui a su dépoussiérer la compagnie de ballet nationale que le ministère de la Culture d'Espagne lui a confiée en 1990. Sous sa direction, la CND s'est épanouie en une compagnie à la signature unique adulée de par le monde, d'inspiration résolument méditerranéenne.

Mais voilà: la CND est entièrement financée par le ministère de la Culture. À l'arrivée d'une nouvelle ministre, en janvier 2009, Duato a senti le vent tourner. «La Compañía Nacional de Danza ne fait que de la danse contemporaine et comme nous n'avons que les moyens de financer une seule compagnie nationale, nous voulons que son répertoire comporte dorénavant aussi du ballet classique et d'autres styles de danse. Nous allons aussi limiter la durée du mandat du directeur artistique», explique à La Presse Carlos de Fortenza, porte-parole de l'INAEM.

Certains, dont Angel Corella, dont la compagnie souffrirait du manque de place accordée au ballet classique en Espagne, reprochent à Duato d'avoir dirigé l'institution publique comme sa compagnie privée. «Oui, la réputation de la compagnie tient beaucoup à ma personnalité, rétorque le chorégraphe, membre en règle des beautiful people du jet-set madrilène, mais que voulez-vous: on ne peut pas diriger sans charisme!» Soulignons, par ailleurs, que Duato a aussi su intégrer au répertoire de la CND des créations de chorégraphes d'envergure, comme Jiri Kylian, William Forsythe ou Wim Vandekeybus, et de nombre de chorégraphes débutants.

Nacho Duato a-t-il l'intention de fonder sa propre compagnie? «Ah non! J'ai besoin de structure. Moi, ce que j'aime avant tout, c'est créer. J'ai reçu des propositions de compagnies, mais je n'ai rien décidé encore. Je peux bien me retrouver en Sibérie, je m'en fous, pourvu qu'on y soutienne ma création!» Le chorégraphe espagnol ne se trouvait pas en Russie par hasard: peu après son entretien avec La Presse, il y a décroché un poste. Pas en Sibérie, mais à Saint-Pétersbourg, où il dirigera, à compter du 1er janvier 2011, le Ballet du Théâtre Mikhailovksy.

Festival: quelques suggestions

Nacho Duato a fondé la CND 2 dans le but de permettre aux jeunes danseurs de faire leurs premières armes professionnelles. Les pièces que la compagnie présentera au Festival des arts de Saint-Sauveur (FASS), Kol Nidre et Gnawa, signées Duato, et Insected de Tony Fabre, chorégraphe associé sortant de la CND 2, sont inédites au Québec.

Jeudi et hier, le Royal Winnipeg Ballet a présenté, entre autres, l'acrobatique et émouvant Belong de Norbert Vesak, dansé ici par Tara Birtwhistle et Dmitri Dovgoselets. Ce pas de deux a valu à la ballerine Evelyn Hart la médaille d'or au prestigieux concours international de Varna, en 1980. Si vous n'avez pu y assister, direction YouTube pour en avoir les frissons (mots-clés: Evelyn Hart et Belong).

Parmi les autres compagnies programmées au FASS, Le Nouvel Opéra intrigue. Visibilia, présenté ce soir, est mis en scène par Marie-Nathalie Lacoursière et met en vedette la soprano Suzie Leblanc. Lacoursière, spécialiste de danse baroque, sait parfaitement mettre en valeur cette forme de danse si peu présente au Québec et donc à découvrir.

Festival des arts de Saint-Sauveur. Du 29 juillet au 7 août. Info: www.fass.ca