Écrivain belge de langue française né en 1948, il a écrit de nombreux romans pour la jeunesse et les adultes. Parmi ceux-ci, Tu ne jugeras point, roman tout public qui lui a valu le Prix Simenon 2010 et le Prix des lycéens 2011.

Q: À l'ère du vedettariat instantané, l'écrivain doit-il être médiatique pour être lu?

Il est assez évident qu'un auteur médiatisé, s'il est de surcroît médiatique, a bien des chances de voir le nombre de ses lecteurs augmenter. Nous avons tous acheté des livres, séduits par le plumage et le ramage d'écrivains vus à la télévision. Parfois, cela nous a occasionné de belles découvertes, parfois, d'amères déconvenues. Les auteurs médiatisés, en effet, ne sont pas nécessairement les meilleurs auteurs. Les auteurs livrés à eux-mêmes ne peuvent compter que sur le bouche à oreille, qui marche parfois, mais fort rarement. Il semble qu'il faille s'accommoder de ce que le livre n'est pas qu'une oeuvre d'art, qu'il est un produit commercial soumis aux lois du marché, dont la vente repose sur l'emballage, la publicité, le baratin.

Q: Les écrivains ont-ils le choix de composer avec les médias sociaux - Facebook, Twitter, blogue et autres?

On peut se tenir à l'écart de ces médias, surtout si l'on veut assumer un statut d'auteur génial et donc maudit. Sinon, pourquoi s'en priver? Un écrivain écrit pour tout le monde et pas seulement pour les abonnés au Monde des Livres. Pour ma part, j'ai une page auteur chez Facebook sur laquelle je publie de petits textes et donne des nouvelles de mes activités littéraires. J'envoie également mes romans aux blogues littéraires, puisqu'ils sont censés être lus par des amateurs de littérature.

Q: Avez-vous l'impression que les médias mettent trop l'accent sur la personnalité de l'auteur et pas assez sur le livre?

Il est vrai que si j'étais une jolie fille sexy et pleine de pétulance plutôt qu'un vétéran blanchi sous le harnais, j'attirerais certainement plus l'attention des journalistes. Il n'y a qu'à observer le succès des livres écrits (ou du moins signés) par les présentateurs de télé, les joueurs de football, les comédiens, les tribuns politiques, etc. pour constater l'importance de l'auteur par rapport au contenu. Quand on a affaire à une grande oeuvre, elle se suffit à elle-même. La biographie de l'auteur importe peu. On ne sait presque rien de Shakespeare et on ignore si Homère a réellement existé.

Q: Quel rôle les salons du livre jouent-ils dans votre carrière?

Pratiquement aucun puisque je ne les fréquente pour ainsi dire jamais. J'ai du mal à supporter de rester assis derrière une table avec 50 autres auteurs à gauche et 50 à droite, tandis que le public passe de l'un à l'autre en examinant la marchandise d'un oeil forcément sceptique. Mon plus grand bonheur dans un salon est donc, non pas de signer un livre à un inconnu, mais de rencontrer un lecteur avec lequel je puisse dialoguer.

Q: Pourquoi écrivez-vous?

Pour de multiples motifs plus ou moins avouables (parmi les moins glorieux, il y a sans doute une stupide vanité), mais notamment pour une raison qui s'est dégagée avec les années et qui aujourd'hui est pour moi celle qui m'anime réellement et me donne du courage. C'est que j'ai découvert que les histoires que je raconte, les tranches de vie que j'essaie d'évoquer, les personnages dont je tente de deviner le comportement, les pensées, les sentiments se révèlent toujours tout à fait différents de ce que j'avais imaginé en entamant mon roman. Dans la vie de tous les jours, je vois les choses et les personnes de manière superficielle parce que je n'ai accès qu'à la surface des êtres et des circonstances. Dans le roman, j'essaie de plonger sous la surface. Je ressors toujours de mes romans surpris par mes héros.

Q: Avez-vous une anecdote de salon du livre à nous raconter?

Affligeante: la tête d'un journaliste de presse, auteur d'un excellent ouvrage, qui signait à Bruxelles dans le voisinage immédiat d'Amélie Nothomb. Une queue de 100 mètres contenue par des barrières métalliques amenait le flot des admirateurs d'Amélie, tandis que le pauvre homme gobait les mouches. Touchante: une lectrice émue aux larmes à qui je disais, en signant mon roman Helena Vannek, «Allons, ce n'est qu'une histoire, madame!» et qui m'a dit: «Pas du tout. Helena Vannek, je la connais très bien.»

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> Gilles Archambault reçoit Armel Job, samedi, 14h30, au Carrefour Desjardins.

> Table ronde Berceau de la culture, avec Armel Job, Laurent Gaudé et Georges Leroux, dimanche, 14h30, sur la Grande Place.