Ce sont un peu les états d'âme de Grier Edmundson que la galerie Parisian Laundry célèbre avec son exposition The Angle of List, une installation de peintures, sculptures et sérigraphies. Branché sur l'actualité internationale, l'artiste américain installé au bord du Saint-Laurent navigue entre l'enchantement et la désolation. Et mène sa barque avec une judicieuse lucidité.

Aujourd'hui, la vie de Grier Edmundson est faite de petits bonheurs quotidiens, avec sa famille, ses amis, sa peinture. Et puis il y a le cadre général, souvent sombre et déprimant, de l'actualité internationale.

Originaire des États-Unis, Grier Edmundson habite à Montréal depuis neuf ans, à la suite d'une belle et douce rencontre survenue à Glasgow, où il étudiait alors. Il a néanmoins toujours eu l'oeil sur son pays d'origine et les nouvelles du monde, surtout depuis l'élection de Donald Trump. Un oeil qui le déprime tout en inspirant des oeuvres qui parlent de populisme, de climat politique tendu, de violence sociale et de couverture médiatique aliénante et stérile.

Opacité ambiante

Son nouveau corpus, The Angle of List (qui correspond à la gîte d'un bateau), évoque notre planète qui tangue, secouée par l'inconscience et l'avidité humaines, notre époque incertaine et ce sempiternel défi de trouver des façons de vivre ensemble dans le respect et l'harmonie.

Pour l'illustrer, l'artiste de 38 ans a rassemblé des oeuvres qui révèlent sa sensibilité autant que sa frustration.

L'oeuvre éponyme de l'exposition est constituée de quatre panneaux d'aggloméré sérigraphiés où l'impression est de plus en plus foncée entre le premier et le quatrième panneau. L'indication d'un monde chaque jour plus opaque. Dans chacune de ces oeuvres, l'impression d'une balle explosive contraste avec les nervures et les noeuds du bois, qui suggèrent l'immanence. 

Sur un autre mur, Angle of List (CMYK), du nom de la quadrichromie cyan-magenta-jaune-noir, montre les effets de l'explosion de cette balle.

« Chaque jour, je vais sur les sites de La Presse ou du Guardian, dit Grier Edmundson. On est toujours sur le bord de quelque chose de grave. C'est épuisant et décourageant. J'ai voulu montrer une balle avant et après l'impact. Sur CMYK, les couleurs sont aussi formelles que les nouvelles des médias. »

Enough Is Enough

L'artiste a couvert tout un mur de la galerie d'une centaine de sérigraphies d'un noir d'encre. On y lit, difficilement, Enough Is Enough (Assez, c'est assez), une inscription déjà utilisée pour son installation d'Art souterrain 2017 qui découlait d'une réflexion post-élection de Trump.

Dans une autre section de la galerie, on prend acte de son amour pour la peinture, qu'il embrasse dans plusieurs styles. Avec des toiles qui témoignent du fait qu'il n'est pas complètement déprimé et conserve l'envie d'aller de l'avant. 

Ce côté positif et noble, vaccin contre la touffeur glauque du climat mondial, se traduit en sept peintures réalisées pour la plupart en double. La première est destinée à être offerte à un ami de l'artiste. L'autre sera vendue par la galerie. 

Dans quatre cas parmi ces sept peintures, l'artiste a produit les toiles jumelles avec un effet miroir. Dans cette série, on trouve ainsi la peinture d'une Hillary Clinton coiffée de sa toque de diplômée du Wellesley College, en 1969, un intérieur architectural irréel, les deux jeunes qui portaient la flamme olympique à Montréal en 1976, ou encore une abstraction avec des carrés colorés peints en diagonale.

La relecture 

Edmundson aime aussi la relecture des choses. Réinterpréter pour donner une signification nouvelle, pour rafraîchir. Il a ainsi utilisé la couverture de la bédé La soupe aux Schtroumpfs pour en faire deux exemplaires à l'huile. 

Même chose avec une image du film Putney Swope (1969), de Robert Downey Sr., qui raconte l'histoire d'un homme noir qui se retrouve accidentellement à la tête d'une entreprise de publicité. Sur la toile, un homme noir est au téléphone. Un mur du bureau prévient, en gros caractères : Things are changing. Une pointe d'humour, d'ironie et d'espoir en même temps.

The Angle of List est la première expo de Grier Edmundson à la Parisian Laundry, lui qui est demeuré longtemps sous la coupe bienveillante de Joe Battat. Actuellement en résidence à la Fonderie Darling, il bénéficie du soutien financier d'un mécène anonyme et du parrainage du Musée des beaux-arts de Montréal où il pourrait fort bien exposer à la fin de sa résidence. C'est tout le mal qu'on lui souhaite. Et qu'on se souhaite.

Parallèlement à Grier Edmundson, la Parisian Laundry expose dans sa salle souterraine quelques oeuvres de Madeleine Mayo, finissante de Concordia. Un ensemble ludique et coloré intitulé A Serious Pleasure et qui développe le sens de la recherche de cette artiste dont la liberté de création s'exprime par des toiles et des sculptures fort désirables.

À la galerie Parisian Laundry (3550, rue Saint-Antoine Ouest), jusqu'au 31 mars

Photo Olivier Pontbriand, La Presse

Le nouveau corpus de Grier Edmundson, The Angle of List (qui correspond à la gîte d'un bateau), évoque notre planète qui tangue, secouée par l'inconscience et l'avidité humaines.

Photo Olivier Pontbriand, La Presse

Angle of List (CMYK), 2018, Grier Edmundson, acrylique et sérigraphie sur toile, 84 po x 84 po