Le Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul présente, dès demain et jusqu'au 4 juin, une grande exposition consacrée à la peinture de Françoise Sullivan. Le commissaire Paul Bradley a opté pour des toiles récentes rythmées par quelques repères des séries Hommages et Tondos de l'automatiste montréalaise, toujours aussi passionnée par la peinture.

Regroupées sous le titre d'Only Red, les plus récentes oeuvres de Françoise Sullivan ont été peintes à la suite de son exposition Proportio présentée chez son galeriste Simon Blais, à Montréal, en mars dernier. Autant dire qu'elle n'a pas chômé, comme l'avait constaté La Presse en la rencontrant au printemps dans son atelier du quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal.

Ses dernières toiles à l'acrylique marquent un net changement chromatique par rapport à Proportio, et une sorte de retour à Rouges (1983-1986), avec des rouges très vifs, d'autres rosés et doux à la fois. «C'est plus gai que l'exposition précédente», dit-elle en lâchant son beau rire en cascade, ajoutant que la transition s'est faite graduellement. «J'ai l'impression d'un commencement.»

Il est quand même fascinant et rassurant de voir la signataire de Refus global parler de commencement et inonder encore et toujours son atelier de teintes chaudes et joyeuses. On ne peut que s'émerveiller devant la jeunesse de cette nonagénaire à l'éternel sourire. Quel bonheur de créer!

«Celui-là est arrivé un peu par surprise», lance-t-elle devant une de ses toiles au rouge franc et lumineux. Le rouge est le fil conducteur de sa série Only Red même si elle y a intégré un Only Yellow! Ses toiles ne sont jamais identiques, offrant au regard des univers variés: avec des petits damiers multicolores, des damiers rouges, roses et orange, ou encore rouges avec deux petites bandes vertes à gauche.

Une trentaine d'oeuvres

À côté des peintures de cette nouvelle série, Françoise Sullivan et Paul Bradley ont ajouté quelques oeuvres des cinq dernières années, notamment issues du corpus Les jeux. «On a choisi d'accrocher de très grands tableaux, des moyens et des petits», dit Françoise Sullivan. Au total, une trentaine de tableaux sont accrochés aux cimaises du musée charlevoisien, dont plusieurs de sa série Hommages, notamment son Hommage à Ulysse n° 3 et son Hommage à Philip Glass, le Tondo n° 6, quelques oeuvres de Série Océane (2005) mais aussi Arundel (2013). Une monographie - avec des textes de Benjamin Klein et Jeffrey Spalding et une biographie de Louise Déry - accompagne l'exposition.

La peintre québécoise de l'avant-garde automatiste adore encore user ses pinceaux, mélanger ses couleurs. Elle le fera tant que sa santé le lui permettra. Et comme elle affiche une forme spectaculaire, il y a lieu de se réjouir. Mais si la peinture a conquis sa vie depuis sa première rencontre avec Paul-Émile Borduas en novembre 1941, elle n'en a pas oublié pour autant sa passion de la danse.

Françoise Sullivan avait encore récemment des projets chorégraphiques. N'a-t-elle pas offert, au début de l'année, une performance scénique remarquée à la Galerie de l'UQAM sur une instruction du chorégraphe Paul-André Fortier, lors du vernissage de l'exposition do it Montréal? Comme elle est loin d'avoir remisé ses pinceaux, Françoise Sullivan garde un oeil fringant vis-à-vis de la chorégraphie. 

«Ça arrive, oui, que j'aie encore des projets, disait-elle en riant lors de notre rencontre à son atelier. C'est surprenant. La dernière fois, c'était deux pièces très anciennes et une de 1993. Et mes pratiques sont même encore ici, dans mon atelier, en poussant les meubles!»

Elle avait à peine 10 ans qu'elle voulait déjà devenir artiste. Son souhait, aujourd'hui, est qu'un jour, «l'art et la vie ne [fassent] plus qu'un». Plus de huit décennies plus tard, elle rend hommage à la peinture au Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul. Un hommage à l'image de sa vie. Passionné. Chapeau bas, Mme Sullivan! 

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Hommage à la peinturede Françoise Sullivan, au Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul (23, rue Ambroise-Fafard, Baie-Saint-Paul), jusqu'au 4 juin.

Photo François Roy, La Presse

Only Red n3, 2016, Françoise Sullivan, acrylique sur toile, 152,5 cm x 183 cm