L'automne sera Tintin ou ne sera pas. Toujours d'actualité, le petit reporter à la houppette, qui fête cette année ses 87 ans, fait notamment parler de lui à Paris, où les Galeries nationales du Grand Palais consacrent une exposition d'envergure à son créateur, Hergé. Cet événement coïncide avec la sortie de trois livres tintinesques, alors que des croquis d'Hergé seront mis aux enchères à la mi-novembre, à des prix qu'on annonce mirobolants. Survol.

C'est d'ordinaire le lieu qui accueille les grands peintres. Preuve que Tintin est aujourd'hui considéré comme une oeuvre d'art à part entière, les Galeries nationales du Grand Palais, à Paris, consacrent jusqu'en janvier une exposition d'envergure à Hergé (1907-1983). Initiative intéressante à plus d'un chapitre, puisqu'en plus de nous raconter la naissance de Tintin, cette expo nous instruit sur le processus créatif d'Hergé et sur les formes d'art qui ont influencé son oeuvre.

De fait, celui dont le nom véritable était Georges Rémi était loin de travailler en vase clos. Si Tintin a peu changé au fil des décennies, Hergé, lui, semble avoir évolué avec son temps, s'inspirant successivement de plusieurs grands courants artistiques, du cinéma muet au design, en passant par l'art moderne, le pop art et même la musique rock...

Plusieurs artefacts, ici présentés, témoignent de cette surprenante ouverture artistique: dessins et esquisses, bien sûr, mais aussi peintures d'art moderne signées Hergé, extraits de films expressionnistes, vignettes musicales (on y entend David Bowie) et planches diverses publiées dans le Petit Vingtième, supplément jeunesse d'un journal belge où Tintin a vu le jour en 1929.

Hergé graphiste publicitaire

Du lot, on retiendra spécialement cette salle consacrée à Hergé graphiste publicitaire, une facette beaucoup moins connue de son parcours. Une quinzaine d'affiches de style Art déco, conçues par le père de Tintin dans les années 30, rappellent son attachement aux couleurs en aplat et à la fameuse «ligne claire» qui a fait école dans l'univers de la bande dessinée.

«Je pense que cette période est une des clés essentielles pour comprendre l'esthétique de Tintin, estime le commissaire général de l'exposition, Jérôme Neutres. C'est d'autant plus éclairant que les gens l'ignorent.»

Le résultat est à la fois sérieux et ludique. Question de parler aux 7 à 77 ans - «enjeu pas simple», selon M. Neutres -, l'expo mélange multimédia et mise en valeur classique, allant jusqu'à proposer deux audioguides différents, un pour les adultes et un pour les enfants. Ce souci de s'adresser aux deux publics confirme sans doute l'attrait qu'exerce encore le petit reporter auprès des jeunes, en dépit de son âge vénérable.

Cet indémodable succès, selon Jérôme Neutres, s'expliquerait tout bonnement par la modernité intrinsèque de son créateur, et ce, jusqu'à la fin de sa vie. «[Hergé] était informé et pas du tout ringard, dit-il. Ça explique à mon avis pourquoi il est encore intéressant aujourd'hui. C'était un septuagénaire super branché...»

Quand Tintin vaut de l'or

Autre événement Tintin: la galerie parisienne Artcurial proposera le 19 novembre aux enchères une collection historique de 20 dessins à l'encre de Chine réalisés par Hergé. Ces oeuvres uniques, qu'on appelle les «cartes de neige», avaient été commandées par un éditeur belge en 1942 pour illustrer des cartes de voeux en couleurs commercialisées pour le temps des Fêtes, et seraient considérées comme le premier produit dérivé des aventures de Tintin. «Il est particulièrement rare de trouver des originaux d'Hergé des années 1940, peu se sont rendus jusqu'à nous», explique Eric Leroy, expert en BD chez Artcurial, en ajoutant que ces 20 dessins ont été préservés «dans une très ancienne collection privée». 

Mais attention, il faudra y mettre le prix : l'ensemble est estimé entre 1,2 et 2,4 millions d'euros (1,7 million à 3,5 millions de dollars canadiens), et chaque dessin à l'unité entre 60 et 132 000 euros (88 000 à 195 000 $CAN)!

Une page de garde des aventures de Tintin, achetée 3,5 millions US en 2014, serait l'actuel record pour une oeuvre de bande dessinée vendue aux enchères.

Un magazine et des Soviets

Même s'il a fermé ses portes il y a près de 30 ans, le magazine Tintin reste gravé dans les mémoires. De 1946 à 1988, ce périodique belge pour les jeunes n'a pas seulement servi de plateforme aux nouvelles aventures de Tintin, mais a été un tremplin pour plusieurs autres personnages connus tels qu'Alix, Thorgal, Blake et Mortimer, Kid Ordinn, Ric Hochet, Dan Cooper, Michel Vaillant ou Cubitus, qui ressuscitent ici grâce à un ouvrage sous forme de «best of». On aurait certes pu souhaiter un coût moins rédhibitoire (plus de 80 $), mais c'est le prix à payer, sans doute, pour une brique en couleurs de 777 pages... 

Côté livres, on soulignera par ailleurs la sortie imminente d'un Dictionnaire amoureux de Tintin signé Albert Algoud, qui paraîtra chez Plon le 10 novembre au Québec, de même qu'une nouvelle édition colorisée de Tintin au pays des Soviets, publiée chez Casterman/Moulinsart, qui sera mise en vente au début de janvier. 

Publié à l'origine en 1929 dans les pages du Petit Vingtième, Tintin au pays des Soviets est la toute première aventure du petit reporter. C'était aussi le seul album de Tintin à être resté en noir et blanc, d'où cette initiative... 

______________________________________________________________________________

La grande aventure du journal Tintin (Lombard).

Dictionnaire amoureux de Tintin (Plon, sortie le 10 novembre au Québec).

Tintin au pays des Soviets (Casterman/Moulinsart, sortie au début de janvier 2017).

Photo fournie par Moulinsart

La grande aventure du journal Tintin, une brique en couleurs de 777 pages.