Peintre, auteur, réalisateur, jardinier et penseur, Pierre Gauvreau a marqué l'imaginaire des Québécois par ses téléromans (Cormoran, Le temps d'une paix, Le volcan tranquille), mais a surtout entraîné dans son sillage tout un cercle d'amis inspirés, anti-conformistes et audacieux. À travers l'exposition imaginée par sa compagne Janine Carreau, présentée au Musée de la civilisation du Québec jusqu'au 28 septembre 2014, c'est l'univers de l'artiste dans tout son foisonnement qui nous est dévoilé.

Beaucoup d'oeuvres, de couleurs, d'intéressantes références culturelles et de documents d'archives se côtoient dans l'exposition Pierre Gauvreau. J'espérais vous voir ici. Mais le tout est agencé et organisé avec style, si bien qu'on a l'impression agréable d'entrer dans un grand jardin de peinture et d'idées. Et le signataire du Refus Global, frère de Claude Gauvreau, ami de Jean-Paul Riopelle et de tant d'autres, avait l'imagination fertile et les idées nombreuses.

Les amis présents

Lors de la visite de presse, le réalisateur Charles Binamé, les comédiens Jacques L'Heureux et Nicole Leblanc, ainsi que la peintre Françoise Sullivan, premier amour et amie de Pierre Gauvreau, parcouraient l'exposition avec les yeux brillants. Dans des collages, des «curriculum vitae», les visages amis apparaissent en mosaïque.

Gauvreau a donné son autorisation pour réaliser l'exposition quelques temps avant sa mort, survenue en 2011, et sa complice des 35 dernières années, Janine Carreau, elle-même artiste, s'est imposée tout naturellement comme commissaire.

«J'ai toujours refusé de nous voir comme des collectionneurs. Mais avec 104 pièces données au Musée de la civilisation, dont 50 d'art populaire et 54 d'art contemporain, je n'ai plus trop le choix d'accepter l'étiquette», indique Mme Carreau, visiblement émue. Beaucoup de prêts complètent cette donation.

La pensée de Gauvreau imprègne l'exposition, notamment grâce à plusieurs documents vidéos réalisés par Charles Binamé qui contiennent des images d'archives, des témoignages inédits et des extraits de ses téléromans. «Il [Pierre Gauvreau] a aidé à donner des lettres de noblesse à un genre dévalué», note Mme Carreau.

«C'était un démocrate, dans le vrai sens du terme. Il voulait donner la plus grande qualité possible au plus grand nombre.»

L'exposition est en quatre volets, explique la conservatrice Valérie Laforge. On entre dans Regards d'avant-garde, qui met de l'avant des oeuvres réalisées par des amis et artistes importants et qui nous plonge dans le contexte créatif survolté de l'époque du Refus Global. Puis la zone L'atelier des possibles nous transporte dans l'atelier du peintre, lieu où Gauvreau écrivait également ses téléromans.

L'observatoire lyrique dévoile, dans un espace circulaire, 13 tableaux de la série Les insoumis, consacrés à des êtres héroïques ostracisés par l'Église ou occultés par l'Histoire. Le tout s'ouvre sur Jardins infinis, où se trouve un des derniers tableaux réalisé par l'artiste, intitulé Passe-partout pour l'insondé, et son colossal journal imagé: 384 jours, un carré coloré pour chacun. Et des oeuvres d'amis, dont une sculpture de Roch Plante (Réjean Ducharme), puisque visiblement Gauvreau cultivait les amitiés comme il entretenait amoureusement son vaste jardin.

C'est une très belle plongée dans l'univers d'un artiste lumineux, aussi rassembleur que contestataire, que nous offre le MCQ.