Le Musée national des beaux-arts du Québec offrira du 7 octobre 2010 au 9 janvier 2011 plus de 70 chefs-d'oeuvre de la collection privée du Mexicain Pérez Simón. Aujourd'hui exposés au musée Jacquemart-André à Paris.

Il y a des lieux magiques et secrets à Paris. Le musée Jacquemart-André en fait partie. Une entrée principale sur la circulation du boulevard Haussmann et qu'on ne remarque pas. En fait, il s'agit de l'arrière d'un somptueux hôtel particulier des années 1870, une fantaisie architecturale donnant sur une belle cour intérieure.

 

À l'intérieur, sur deux étages, l'ancienne collection privée de l'artiste Nélie Jacquemart et de son mari, le richissime Édouard André, constituée entre 1880 et le début du XXe siècle. Entre autres trésors inestimables de la section hollandaise, l'une des deux versions des Pèlerins d'Emmaüs de Rembrandt, des Van Dyck, un Frans Hals. À l'étage «italien», des Mantegna, des Botticelli, des panneaux muraux trouvés à Florence et, pour couronner le tout, un Saint Georges terrassant le dragon de Paolo Uccello. La demeure d'Édouard André avait été dessinée sur mesure par l'architecte André Parent pour accueillir les oeuvres, les tapisseries et le mobilier rare, qui n'ont plus bougé depuis un siècle.

C'est dans cet écrin étonnant - aujourd'hui géré par l'Institut de France - qu'ont atterri le 12 mars dernier d'autres trésors stupéfiants, qu'on retrouvera au Musée national des beaux-arts du Québec à partir du 7 octobre prochain. Il s'agit de chefs-d'oeuvre espagnols constituant une petite partie de la collection privée Pérez Simón - du nom d'un homme d'affaires né en 1941 en Espagne et qui a fait fortune au Mexique, où il était arrivé enfant avec ses parents.

Passionné d'art, Juan Antonio Perez Simon a d'abord acheté, comme il le dit lui-même, « des reproductions de peintures impressionnistes». Aujourd'hui, il possède une collection fabuleuse et «totalement éclectique» d'un millier de tableaux, sculptures et dessins divers datant aussi bien du XIVe que du XXe siècle, de France, du nord ou du sud de l'Europe: «Le classicisme et l'académisme m'intéressent autant que les avant-gardes», dit-il. Il a commencé à acheter à la fin des années 70 dans les galeries et les salles de vente et continue à enrichir sa collection «en renforçant ses points forts, l'art victorien et l'école espagnole»...

Exceptionnel tour d'horizon

Le petit aperçu de ce fabuleux trésor mexicain qu'on aura à Québec en octobre prochain se limite justement au domaine espagnol. En coproduction avec le Musée national des beaux-arts du Québec, Jacquemart-André propose 52 tableaux, qui vont d'une miniature signée Le Greco - vers 1600 - jusqu'à une oeuvre majeure du Catalan Antoni Tapiès, de 1965. Sans oublier une monumentale Ascension du Christ de Salvador Dalí, datée de 1958. Un tour d'horizon exceptionnel de la peinture espagnole, depuis la période triomphale de l'âge d'or espagnol au XVIIe siècle jusqu'à la peinture contemporaine d'artistes «exilés» en France au XXe siècle, tels Picasso, Juan Gris ou Salvador Dali.

«Entre les deux, explique Véronique Powell, professeur à la Sorbonne et spécialiste de l'art espagnol, il y a eu le terrible déclin du XIXe siècle, un trou noir dans l'histoire de l'Espagne, et qui a coïncidé avec la perte progressive de toutes ses colonies. D'où l'école de «1898», l'année où l'Espagne perdit finalement Cuba, et où des artistes voulurent restituer une certaine réalité sociale de l'Espagne.»

Cette exposition permet donc - pour le simple mortel - de découvrir les peintres «costumbistres» qui, pendant cette période de grande noirceur espagnole, entendaient réhabiliter la vérité du tissu social espagnol. Une sorte de populisme pictural auquel il faut associer le «luministe» Sorolla, au tournant du siècle, dont les oeuvres figuratives semblent annoncer l'hyperréalisme contemporain.

Mais les visiteurs de cette exposition se porteront non sans raison vers quelques oeuvres vedettes. Un monumental tableau anonyme de 1650 représentant une course de taureaux sur la Plaza Mayor de Madrid. Ce portrait du Christ en miniature du Greco, haut de 10 centimètres à peine. Un envoûtant portrait de Doña María de Vallabriga signé Goya en 1783. Un tableau dédié à Françoise Gilot par Picasso en 1949. Des Murillo ou des Ribera qui font partie de l'histoire majeure de la peinture espagnole.

Et pour finir, des Juan Gris, des oeuvres cubistes de Picasso, quelques Miró. Et bien sûr certaines oeuvres de Dalí qui continuent d'étonner le monde. Cette Ascension du Christ de 1958, surmontant un atome et sur lequel se penche une Vierge qui a les traits de Gala, l'épouse de Salvador Dalí. Et pour finir cette formidable Vénus de Milo aux tiroirs, grandeur nature, qui n'a toujours pas de bras, mais dont les seins et le ventre peuvent servir de rangement.

Par manque d'espace, le musée Jacquemart-André a limité cette expo à 52 oeuvres. À Québec il y en aura une vingtaine de plus.