Requin coupé en deux et trempé dans du formol, moulage de vache éventrée: la plus grande rétrospective des oeuvres du britannique Damien Hirst, considéré comme l'artiste contemporain le plus cher au monde, attire les foules à Kiev.

Une centaine d'oeuvres créées depuis le début des années 90, dont une première mondiale de son cycle de peintures de crânes, sont exposées au Centre d'art Pintchouk, dans la capitale ukrainienne, jusqu'à la fin septembre.

Parmi elles figurent les travaux les plus célèbres de l'artiste, dont La mort expliquée, un requin coupé en deux et mis dans le formol et La promesse d'argent, moulage d'une vache pendue sur un crochet et dont les entrailles sont étalées sur le plancher, avec des billets irakiens.

Dans d'autres salles, on peut voir Le purgatoire, étroits rayons d'acier doré jonchés de mégots qui propagent une odeur étouffante, plusieurs travaux faits de papillons ou encore Le rêve, un poney transformé en narval et plongé dans le formol.

Cette dernière oeuvre a été vendue pour 2,9 millions d'euros (4,2 millions de dollars au taux de l'époque) aux enchères chez Sotheby's à Londres, qui avaient rapporté à l'artiste un total de 140 millions d'euros (200 millions de dollars) en deux jours en septembre 2008.

«Je vois un public sain et affamé d'art et toute sorte de culture en Ukraine, et cela m'inspire», a déclaré l'artiste, âgé de 43 ans, dans un communiqué de la fondation d'art du milliardaire ukrainien Viktor Pintchouk, qui a organisé cette rétrospective intitulée Requiem.

L'exposition n'est pas du goût de tous. Avant son inauguration, une agence d'art ukrainienne a estimé qu'elle représentait une «menace sérieuse pour la morale publique» et demandé en vain à la Commission nationale pour la protection de la morale d'intervenir.

«C'est une folie!» a réagi l'artiste dans une entrevue à l'hebdomadaire Dzerkalo Tyjnia.

Vendredi soir, à l'ouverture VIP de l'exposition, le Centre d'art était plein à craquer: plus de 2000 personnes dont l'acteur britannique Daniel Craig, de hauts responsables politiques, des hommes d'affaires et des vedettes des médias flânaient dans les salles blanches de la galerie.

«C'est très insolite, voir un peu choquant», a déclaré à l'AFP le célèbre boxeur ukrainien Vitali Klitschko, après avoir observé la vache pendue.

«Je regrette que le fameux crâne aux diamants ne soit pas présenté ici», a-t-il ajouté, en référence à l'oeuvre Pour l'amour de Dieu, un crâne en platine, serti de 8601 diamants et vendu 100 millions de dollars en 2007.

Samedi, après l'ouverture officielle de la rétrospective, les visiteurs affluaient et une centaine de personnes faisaient la queue devant le Centre d'art.

«Si tant de gens veulent le voir, alors ça vaut quelque chose», s'enthousiasmaient Lioudmila et Tetiana, la quarantaine, qui ont dû attendre une heure avant de pouvoir entrer dans la galerie.

«Cela me donne le sentiment de toucher à une nouvelle époque. Hirst est un des hommes qui font progresser le monde», confiait de son côté Kirill Matsik, un jeune architecte, prévoyant déjà de revenir plusieurs fois.

Pour Ernest, un retraité, ces travaux sont trop sophistiqués. «Ce n'est pas pour les gens ordinaires, j'y comprends que dalle!» a lancé ce petit homme aux cheveux gris. Mais sa petite-fille n'est pas d'accord. «Moi, j'ai bien aimé les papillons», a-t-elle souri.

Olga Chaverina, une jeune économiste, était plus critique: «C'est plutôt l'art du marketing qu'autre chose», a-t-elle estimé.