Il était une fois un petit garçon, un jeune adolescent, qui vivait dans une petite ville d'Andalousie, Magina. C'est le fils d'un maraîcher. Au long des jours, on travaille aux champs, on récolte les olives, on fréquente un collège religieux, depuis toujours semble-t-il, en tout cas depuis la fin d'une guerre civile que le monde entier connaît, et la dictature d'un certain Franco n'a rien changé. Au contraire, le silence des pauvres s'est épaissi, on évite de dévoiler les secrets de la guerre, les mauvais coups qui doivent être entourés de mystère comme s'ils s'étaient produits plusieurs siècles auparavant et ne concernaient en rien l'éternelle misère routinière des campagnes et des villes.

Or donc, soudain, l'été dernier Juillet 1969, les Américains envoient la fusée Apollo 11 sur la Lune! On voit comme je vous vois, dans la toute nouvelle télévision, Armstrong et Aldrin poser leurs gros pieds bottés sur le sol lunaire! L'adolescent découvre le monde moderne, aussi loin de Magina que de la Lune. Il lit furieusement Jules Verne et H.G. Wells, il essaie d'expliquer à sa famille (à l'aide d'une pêche, d'une salière et d'une pastèque) comment tout cela s'est passé. La famille s'en moque, elle ne comprend rien à la course spatiale ni au reste. Elle a du mal, la famille, à croire tout cela. Lui, au contraire, s'identifie à chacun des astronautes, il parle à leur place, il note des réflexions subtiles sur la naissance d'un nouveau monde inconnu et l'existence minable, lui semble-t-il, du monde actuel. Trop subtiles, les réflexions, pour un adolescent perdu dans une campagne et un pays moyenâgeux. Ce sont, évidemment, celles de l'auteur, Antonio Muñoz Molina, qui est l'un des grands romanciers de l'Espagne d'aujourd'hui.

Quel livre! Cela semble un chef-d'oeuvre. Par le style, par la profondeur de la pensée, par le sujet qui souvent approche les plus belles sagas historiques: avec sexe, aventures, modernité, et personnages inoubliables. Il faut dire que l'auteur, né dans une campagne près de Jaen, est licencié en histoire de l'art, a obtenu force prix littéraires en Espagne, et le prix Fémina étranger en France.

Pour moi (qui n'aime pas tellement les romans trop longs), je dois dire que celui-ci m'a semblé souvent trop court. Car cette initiation d'un adolescent, c'est évidemment celle d'un monde, la mienne, la vôtre, à ces changements que les Espagnols nommèrent la movida (le mouvement) et que nous n'avons pas fini de digérer. Un fameux livre, disons. On l'oublie difficilement.

Le vent de la lune

Antonio Muñoz Molina, Seuil, 298 pages, 39,95$