Sur papier, la formule est évidemment gagnante. Dans les années 90, la série télévisée Omertà a marqué les esprits. Et compte parmi les meilleures jamais produites au Québec. Pour cette mouture cinématographique, Michel Côté, qui reprend ici le rôle de Pierre Gauthier, est entouré de quelques pointures, parmi lesquelles Patrick Huard (l'autre champion du box-office!) et Stéphane Rousseau. Rachelle Lefevre, vedette montante du cinéma hollywoodien, est de la partie, de même que l'impresario René Angélil, sur qui s'est portée pratiquement toute l'attention médiatique. Luc Dionne, scénariste de la série, est aux commandes. Il signe aussi la réalisation.

Campée 13 ans après la fin du dernier volet de la série, l'intrigue, autonome, est concentrée sur une enquête dans le monde de la mafia montréalaise. Ayant quitté la Sûreté du Québec pour ouvrir sa propre agence de sécurité, Gauthier est sollicité par son ancien patron Tanguay (Michel Dumont), devenu sous-ministre de la Justice, afin de faire enquête sur un vaste complot. Gauthier décide d'envoyer dans la mêlée Sophie (Rachelle Lefevre), ancienne agente du Service de renseignement canadien, afin que cette dernière gagne la confiance de Steve Bélanger (Patrick Huard), un mystérieux restaurateur, spécialiste du blanchiment d'argent, et de Sam Cohen (Stéphane Rousseau), dangereux meurtrier psychopathe sorti trop tôt de prison.

Récit tarabiscoté

Le récit, passablement tarabiscoté, distille néanmoins une indéniable efficacité. Les dialogues ont du «punch» (on frôle parfois le décrochage pour placer une bonne «ligne»), et le triangle que forment les trois protagonistes masculins pose les jalons d'une intrigue solide. À cet égard, les confrontations entre Gauthier et Bélanger constituent les moments les plus forts du film, d'autant que Côté et Huard se révèlent ici en très grande forme. Dans la peau d'une ordure, un personnage plus inattendu pour lui, Rousseau tire aussi bien son épingle du jeu.

Cela se gâte un peu toutefois du côté des rôles périphériques. Rachelle Lefevre n'est visiblement pas à l'aise dans la langue de Molière. Même s'il impose son autorité naturelle dans le rôle du parrain, René Angélil n'est pas un acteur. Il en résulte des niveaux de jeu parfois inégaux.

Réalisation convenue

La réalisation reste plutôt convenue, voire un peu datée sur le plan esthétique. Par moments, on filme même Stéphane Rousseau comme s'il jouait dans un vieux clip de Mondino.

Mais Luc Dionne (Aurore, L'enfant prodige) mène les choses rondement, et s'assure de maintenir le rythme. Cela dit, une vague impression de compromis émane de l'ensemble. On aurait voulu comprimer une série entière en un film de deux heures qu'on ne s'y serait pas pris autrement. D'où, peut-être, cette propension à trop en mettre en multipliant les fausses pistes. Il appert pourtant que le scénario de ce long métrage est complètement différent de celui élaboré en vue du quatrième volet de la série, qui n'a jamais atteint l'étape de la production.

Cet Omertà de cinéma reste un essai somme toute honorable. Mais il ne se révèle pas aussi exceptionnel que la série culte inscrite dans nos mémoires.

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Drame policier réalisé par Luc Dionne. Avec Michel Côté, Patrick Huard, Rachelle Lefevre et Stéphane Rousseau. 1h47