Jean-François- Jeff- Fillion sera de retour derrière le micro vendredi prochain, un an après, à la minute près, sa déconfiture avec CHOI. En choisissant de lancer une webradio payante, l'animateur controversé prend le pari que l'avenir réside dans une mutation (plus ou moins) radicale du médium. Portrait du changement inéluctable de toute une industrie.

Jean-François- Jeff- Fillion sera de retour derrière le micro vendredi prochain, un an après, à la minute près, sa déconfiture avec CHOI. En choisissant de lancer une webradio payante, l'animateur controversé prend le pari que l'avenir réside dans une mutation (plus ou moins) radicale du médium. Portrait du changement inéluctable de toute une industrie.

Observateurs et professionnels de la radio scrutent attentivement le lancement de RadioPirate.com. Parce que les avancées technologiques, notamment en téléphonie cellulaire, sont en train de faire exploser la demande de contenu. Et que les principaux obstacles à une meilleure diffusion de masse- connexion haute-vitesse et accessibilité, entre autres- seront bientôt choses du passé.

Les jours de la radio comme produit unique tirent à leur fin. On se dirige vers une fourchette très large de produits radio, estime Michel Dumais, un observateur averti des nouvelles technologies et maniaque de radio.

C'est le début d'une révolution, opine Jeff Fillion. Mais on ne sait pas où ça nous mène... Ce qui est le propre des bouleversements. Qui rendent un peu plus nerveux quand on y risque sa chemise et sa marque de commerce en demandant aux consommateurs de payer pour un produit habituellement gratuit.

Est-ce que les Québécois sont prêts à payer? se demande d'ailleurs Bruno Guglielminetti, spécialiste des nouvelles technologies à Radio-Canada. Fillion a une chance particulière comme pionnier, qui lui assure un gros battage publicitaire. À court terme, il bénéficie d'un effet de curiosité. Mais qu'est-ce que ça va donner à moyen et à long terme?

Jeff Fillion doit se poser la même question: il fait surtout mousser la vente d'un abonnement annuel. Et mise sur des revenus publicitaires- qui sont au rendez-vous, dit-il. Il a, en un mois, réalisé les ventes qu'il budgétait pour l'année.

Ce qui permet d'affronter avec plus de confiance la culture de gratuité inhérente à Internet. Reste que des phénomènes récents comme la télé à la carte ou les sonneries ( ring tones ) de cellulaire démontrent que les gens sont prêts à payer pour du contenu original.

Si Fillion reste modeste dans ses investissements (qui s'élèvent à environ 350 000 $), Michel Dumais estime que celui-ci peut y arriver. Il vise un marché de niche. Ce qu'il vend d'abord, c'est lui (et sa notoriété): un bon produit avec " une bonne crédibilité ".

Pour son émission quotidienne, de 8 h à 11 h, parfois plus tard, Fillion a loué un local dans un immeuble commercial pour y aménager le studio de ses rêves, style lounge avec sofas pour entrevues décontractées et tout le bataclan technologique nécessaire.

En tout cas, ils sont quelques milliers, selon le principal intéressé, à croire que son passé d'animateur est garant de son avenir dans Internet. Il ne veut pas révéler de chiffres précis, mais il a déjà dit qu'il avait passé le cap des 2000, qui correspondait à son seuil de rentabilité. Il se borne à ajouter, sourire en coin, que dans les 24 heures de son passage à l'émission Tout le monde en parle, un autre millier d'internautes ont payé leur abonnement. Son objectif avoué est de 10 000 abonnés pour la fin du mois.

Peu importe jusqu'où on va se rendre, c'est déjà un succès. On va prendre notre erre d'aller, puis on regardera pour le marché de la souscription (syndication).

L'industrie n'a pas tardé à réagir. Il faut dire que les webradios ont attiré 38 millions d'auditeurs, aux États-Unis seulement, l'an dernier (prévision pour 2010:187 millions).

AstralMédia a lancé il y a peu sa webradio (radiolibre.ca) où l'internaute joue au DJ pour créer sa station. Certains services sont gratuits, mais l'accès à l'ensemble du site se paye.

Quinze mille personnes se sont inscrites à l'essai gratuit, 1000 se sont abonnées par la suite. C'est un bon résultat pour une nouvelle plate-forme, que nous découvrons nous aussi. Ça rentre progressivement. La cible visée est de 10 000 abonnés en août, révèle Jacques Bérubé, directeur des ventes et du marketing chez AstralMédia radio.

D'autres sont moins rapides à sauter dans le train, mais se préoccupent de la destination. Chez RadioNord, par exemple, on considère que la webradio n'est pas un gros marché. N'empêche. La technologie va être intimement liée à la radio, particulièrement chez les jeunes, c'est indissociable, concède le président Raynald Brière. On essaie de développer un savoir-faire dans ces technologies-là par des partenariats. Mais on ne pense pas lancer de produits avant trois ans au moins.

En bout de ligne, les considérations technologiques importent peu. C'est du moins ce que croit Jeff Fillion. D'ici quelques années, M. Tout-le-monde se foutra pas mal de savoir comment ça marche. Ce qu'il voudra, lorsqu'il sera dans son auto ou ailleurs, c'est un accès à du contenu. Point.

Quand même, de là à se lancer dans la webradio. Reste qu'il s'agit aussi d'une vitrine pour dire youhou, j'suis encore là. Il va essayer de se refaire une virginité, estime d'ailleurs Bruno Guglielminetti.

Avec la collaboration de Pierre Asselin

À lire aussi:

Aujourd'hui la radio, demain la télé

Web: la liberté d'expression a ses limites

Les jeunes désertent la radio traditionnelle