(San Francisco) Au début de l’année, Mark Austin, vice-président de la science des données chez AT&T, a remarqué que certains de ses développeurs avaient commencé à utiliser ChatGPT au travail. Quand ils avaient un pépin, ils demandaient à ChatGPT d’expliquer la nature du bogue ou de corriger leur code.

Voilà un gros changement, s’est dit Austin. Mais comme ChatGPT est public, il s’est demandé si les entreprises pouvaient l’utiliser en toute sécurité.

En janvier, AT&T a donc essayé Azure OpenAI Services, produit de Microsoft permettant aux entreprises de créer leurs propres robots conversationnels alimentés par l’intelligence artificielle (IA). AT&T l’a utilisé pour créer son propre robot d’IA, Ask AT&T, qui aide ses développeurs à automatiser le codage. Le service à la clientèle d’AT&T a aussi adopté Ask AT&T pour faire le résumé des appels et d’autres tâches.

Dès que les employés voient ce que le robot peut faire, ils l’adorent.

Mark Austin, vice-président de la science des données chez AT&T

Les formulaires qui prenaient auparavant des heures à remplir prennent deux minutes avec Ask AT&T. Les employés peuvent se concentrer sur des tâches plus complexes. Quant aux développeurs qui utilisent le robot, ils sont de 20 % à 50 % plus productifs.

Comme AT&T, de nombreuses entreprises cherchent les moyens d’exploiter la puissance de l’IA générative, technologie qui suscite l’enthousiasme de la Silicon Valley depuis quelques mois. L’IA générative peut produire ses propres textes, photos et vidéos en réponse à des demandes en langue naturelle. Ces capacités favorisent l’automatisation de tâches comme la tenue d’un procès-verbal d’une réunion et réduisent la paperasserie.

PHOTO FOURNIE PAR PANASONIC

Panasonic Connect a commencé en février à utiliser le service Azure OpenAI de Microsoft pour créer son propre robot conversationnel.

Face à cette nouvelle demande, les sociétés technologiques s’empressent de lancer des produits d’IA générative pour les entreprises. Depuis le 1er avril, Amazon, Box et Cisco ont annoncé des produits alimentés par l’IA générative qui produiront du code, analyseront des documents et résumeront des réunions. Salesforce vient aussi de lancer des produits d’IA générative utilisés en vente, en marketing et dans son service de messagerie Slack. Oracle a annoncé un produit IA en ressources humaines.

Ces entreprises augmentent leurs investissements dans le développement en IA. En mai, Oracle et Salesforce Ventures, branche de capital-risque de Salesforce, ont investi dans Cohere, jeune pousse torontoise spécialisée dans l’IA générative en affaires. Oracle revend également la technologie de Cohere.

L’IA générative « est une percée dans le domaine des logiciels d’entreprise », dit Aaron Levie, PDG de Box.

C’est une occasion incroyablement excitante où, pour la première fois, vous pouvez réellement commencer à comprendre ce qu’il y a dans vos données d’une manière inédite.

Aaron Levie, PDG de Box

Nombre de ces entreprises technologiques imitent Microsoft, qui a investi 13 milliards US dans OpenAI, le concepteur de ChatGPT. En janvier, Microsoft a mis le service Azure OpenAI à la disposition de ses clients, qui ont ainsi accès à la technologie d’OpenAI pour créer leurs propres versions de ChatGPT. En mai, le service comptait 4500 clients, dit John Montgomery, vice-président de Microsoft.

En gros, les entreprises technologiques lancent actuellement quatre types de produits d’IA générative pour les entreprises, soit des fonctions et des services qui : génèrent du code pour les ingénieurs logiciels ; créent de nouveaux contenus tels que des courriels de vente et des descriptions de produits pour les équipes de marketing ; recherchent des données d’entreprise pour répondre aux questions des employés ; résument les notes de réunion et les longs documents.

Ces outils seront « utilisés par les gens pour accomplir ce qu’ils font déjà », dit l’analyste Bern Elliot, vice-président de la société de recherche et de conseil en TI Gartner.

Risques

Mais l’IA générative au travail comporte des risques. Les robots d’IA peuvent produire des inexactitudes, fournir des réponses inappropriées et rendre possibles des fuites de données. Et l’IA demeure largement non réglementée.

Devant ces enjeux, les entreprises technologiques ont pris des mesures. Pour éviter les fuites de données et renforcer la sécurité, certaines proposent des produits d’IA générative qui ne conservent pas les données des clients.

PHOTO JEENAH MOON, THE NEW YORK TIMES

Salesforce vient de lancer des produits d’IA générative utilisés en vente, en marketing et dans son service de messagerie Slack.

Quand Salesforce a lancé en juin AI Cloud, service comprenant neuf produits d’IA générative pour entreprises, la société a inclus un pare-feu censé cacher les informations délicates de l’entreprise et empêcher les fuites. Salesforce promet que ce que les utilisateurs tapent dans AI Cloud ne sera pas utilisé pour enrichir l’IA sous-jacente.

De même, Oracle affirme que les données des clients seront conservées dans un environnement sécurisé pendant l’entraînement de son modèle d’IA et promet qu’elle ne pourra pas voir ces informations.

À partir de 360 000 $ US par année

Salesforce propose AI Cloud à partir de 360 000 $ US par année, le coût augmentant en fonction de l’utilisation. Microsoft facture le service Azure OpenAI en fonction de la version de la technologie OpenAI choisie par le client et du volume d’utilisation.

Pour l’instant, l’IA générative est surtout utilisée dans des scénarios de travail comportant peu de risques – pas dans des secteurs très réglementés – avec un humain dans la boucle, souligne Beena Ammanath, directrice du centre de recherche Deloitte AI Institute. Un sondage récent de Gartner sur 43 entreprises indique que plus de la moitié des répondants n’avaient pas de politique interne en matière d’IA générative.

Il ne suffit pas d’apprendre à utiliser efficacement ces nouveaux outils. Il faut aussi préparer le personnel aux nouveaux types de tâches qui pourraient se développer. De nouvelles compétences seront nécessaires.

Beena Ammanath, directrice du centre de recherche Deloitte AI Institute

Panasonic Connect, filiale de la japonaise Panasonic, a commencé en février à utiliser le service Azure OpenAI de Microsoft pour créer son propre robot conversationnel. Aujourd’hui, ses employés le sollicitent 5000 fois par jour sur des sujets aussi variés que la rédaction de courriels ou l’écriture de codes.

Panasonic Connect pensait que ses ingénieurs seraient les principaux utilisateurs du robot IA. En fait, le contentieux, la comptabilité et l’assurance qualité l’ont aussi sollicité pour résumer des documents juridiques, améliorer la qualité des produits et effectuer d’autres tâches, dit Judah Reynolds, responsable du marketing et de la communication chez Panasonic Connect.

« Tout le monde a commencé à en faire des usages que nous n’avions pas prévus, dit-il. Les gens en profitent vraiment. »

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

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