Des logis achetés en commun par des amis ou des gens qui sont apparentés sans être conjoints ? Le phénomène est de plus en plus commun, si on en croit un sondage mené en août 2023 par Royal LePage auprès de ses courtiers : 31 % d’entre eux avaient constaté une augmentation par rapport aux années prépandémiques.

« Je vois beaucoup de gens qui souhaitent acheter ensemble », confirme la notaire Geneviève Barbe.

Son étude, Barbe & Cimon Notaires, située au centre de Montréal, est spécialisée dans les copropriétés, notamment indivises. Elle travaille couramment avec Desjardins et la Banque Nationale, les deux seules institutions financières à accorder des prêts hypothécaires indépendants à chacun des indivisaires.

MBarbe a observé un regain d’intérêt pour la copropriété indivise depuis qu’une réforme survenue en 2020 a imposé certaines règles plus contraignantes à la copropriété divise.

La semaine précédente, encore, la notaire avait reçu en consultation trois amis qui voulaient acquérir une propriété en commun.

« Ils se cherchaient un triplex parce qu’ils ne pouvaient pas se qualifier seuls pour acheter. Ils souhaitaient acheter tous ensemble avec une hypothèque commune pour que chacun puisse utiliser son propre logement, à l’aide d’une convention d’indivision où on viendrait confirmer quels sont les droits et obligations de chacun par rapport à l’immeuble. »

Selon une autre enquête menée en août 2023 par Léger pour Royal LePage, 6 % des propriétaires au Canada sont copropriétaires d’un logement avec une personne autre que leur conjoint.

La moitié d’entre eux (49 %) disaient qu’ils n’auraient pas eu les moyens d’acquérir seuls une propriété.

Les copropriétaires autres que conjoints

• 6 % des propriétaires canadiens

• L’accessibilité financière a pesé fortement dans 76 % des cas.

Les copropriétaires

• Enfants et parents ou beaux-parents : 74 %
• Frères, sœurs, beaux-frères, belles-sœurs : 15 %
• Amis : 7 %
• Autres que parents ou amis : 8 %

Source : sondage mené en août 2023 par Léger pour Royal LePage. Plus d’une réponse était possible.

Représentant hypothécaire de longue expérience chez Desjardins, Stéphane Daigneault soutient pour sa part que l’achat en double occupation « est quelque chose qui a toujours existé ».

PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS

Stéphane Daigneault, représentant hypothécaire chez Desjardins

Ce sont souvent des gens qui ne se qualifiaient pas par eux-mêmes. Souvent, c’est un des couples qui a plus de difficultés à se qualifier seul. On va avoir beaucoup de membres d’une même famille – un frère et une sœur avec leur conjoint respectif, par exemple – qui vont essayer de trouver un duplex, un triplex ou un quadruplex, en double occupation. Ils vont garder un ou deux locataires. Ça, on le voit fréquemment.

Stéphane Daigneault, représentant hypothécaire chez Desjardins

En banlieue

Quoique plus rare, le phénomène n’est pas inexistant en périphérie.

« Sur 175 transactions, l’an passé, j’en ai peut-être deux qui ont acheté par exemple avec une sœur, un frère ou un ami », indique le courtier immobilier Stéphane Girard, directeur de RE/MAX D’ICI S.G., une agence de Lanaudière qui couvre notamment Terrebonne et Mascouche.

Il cite le cas de deux amis qui ont acheté ensemble une maison unifamiliale dotée d’un logement aménagé au sous-sol « pour habiter en bas et en haut avec leurs conjoints ».

« C’est une maison que quelqu’un aurait normalement achetée tout seul, indique-t-il. Il aurait loué le logement ou l’aurait démantelé. »

La démarche n’est pas sans inconvénient, note-t-il.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Stéphane Girard, directeur de RE/MAX D’ICI S.G.

« Il y a toujours un logement plus petit que l’autre. Qui va prendre le plus petit, qui va prendre le plus grand ? Et il y a les enfants qui arrivent ensuite, ce qui peut entraîner de petites chicanes. »

Autre phénomène en résurgence, les parents qui avaient vendu leur maison il y a quelques années pour habiter un logement ou acheter un condo réinvestissent avec leurs enfants dans l’acquisition d’une maison intergénérationnelle. « Ça se vend plus vite qu’avant et ça se vend mieux », observe le courtier.

Les maisons intergénérationnelles connaissent aussi leurs problèmes, dont les courtiers sont des témoins sinon privilégiés, du moins indirects.

« Le fils se sépare de sa blonde et sa nouvelle blonde ne s’entend pas avec la belle-mère, illustre Stéphane Girard. Je le vois souvent. »

« Je ne dis pas que ça ne marche pas, c’est une bonne idée quand même, mais ça prend une bonne entente. »

En effet, la bonne entente en cohabitation dépend souvent de la bonne entente qui a été signée au préalable.